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Prévenir l’usure de compassion

  • 10 min

Découvrez l'usure de compassion, son impact émotionnel et des stratégies pour la prévenir. Apprenez à prendre soin de vous tout en soutenant les autres.

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Au Canada, plus d’une personne sur trois accompagnant un individu vivant avec un trouble mental exprime devoir faire face à des défis de santé reliés à la situation (Statistique Canada, 2015). Bien que nous n’ayons peu de statistiques fiables au Québec quant aux impacts de prendre soin d’une autre personne de façon continue, nous savons que le degré d’épuisement serait très élevé chez les proches-aidants (Proche aidance Québec, 2022). À preuve, déjà en 2001, des résultats de recherche indiquaient que 60 % des proches présentaient un degré élevé de détresse émotionnelle trois fois plus grande que celui expérimenté dans la population québécoise (Provencher, Perreault et St-Onge, 2001).

Lorsqu’on s’épuise à prendre soin d’une autre personne, l’un des dangers qui nous guette est de tomber dans l’usure de compassion, souvent nommé « épuisement émotionnel », nous empêchant de prendre soin de la personne que nous aimons à long terme. Personne n’est à l’abri de l’usure de compassion, alors c’est sans aucun doute l’un des éléments les plus importants à aborder avec les proches! Ce texte s’appuie sur des échanges avec de nombreux proches ainsi que des personnes vivant avec un trouble mental ayant eu lieu lors d’une Table ronde de SantéFamille, OBNL organisme à but non lucratif dédiés aux proches dont l’auteure de ce texte est directrice générale.

Qu’est-ce que l’usure de compassion?

L'usure de compassion, aussi connue sous le nom de fatigue de compassion ou « épuisement émotionnel », est un état d'épuisement émotionnel, mental et physique ressenti par les individus qui fournissent un soutien constant à des personnes composant avec certains défis, par exemple une personne qui vit avec un trouble mental. Vous l’aurez deviné : ce phénomène est particulièrement fréquent chez les proches.

L'usure de compassion peut être décrite comme une diminution progressive de la capacité à ressentir et à manifester de la compassion pour les autres, souvent lié à l'exposition continue à la souffrance d'autrui. Elle se manifeste par un épuisement psychologique et émotionnel, une réduction de la satisfaction personnelle dans son rôle de soutien, et peut conduire à un détachement émotionnel.

Concrètement, voici une liste de signes pouvant témoigner de l’usure de compassion.

  • Épuisement profond

    on se sent complètement vidé, surchargé, avec une fatigue émotionnelle et physique intense.

  • Dépersonnalisation

    sentir avoir perdu le contact avec les autres et avoir l’impression que tout va trop vite.

  • Diminution de l’accomplissement personnel

    ne plus se sentir efficace ou utile dans son rôle malgré tous les efforts consentis.

  • Irritabilité

    sentir une augmentation de frustration et d’irritabilité qui peuvent causer des réactions inadaptées (comportement insolent, sarcastique, plus irritable).

  • Symptômes physiques

    la santé mentale et la santé physique sont reliées! Votre corps pourrait vous parler par l’intermédiaire de problèmes de sommeil, une fatigue chronique, des maux de tête, des troubles gastro-intestinaux, etc. qui sont fréquents lorsqu’on vit de la détresse.

Si vous vous reconnaissez dans ce portrait, nous vous invitons dès maintenant à consulter un professionnel de la santé ou l’organisme dédié aux proches de votre région (voir notre liste de ressources). Quel que soit votre état mental actuel, nous vous encourageons fortement à poursuivre la lecture pour découvrir des pistes de stratégies pour prévenir et gérer l’usure de compassion.

« Lorsque mon être cher a reçu son diagnostic de trouble de santé mentale, j'étais constamment préoccupé par ses besoins, sa prise de médicaments, ses rendez-vous, ses états d’âme... Au fil du temps, j'ai commencé à me sentir épuisé, vidé de toute énergie. Je devenais de plus en plus irritable et je commençais à me détacher émotionnellement de mon être cher, ce qui me faisait ressentir une immense culpabilité. En discutant avec une amie, elle m’a dit avoir vécu la même chose : d’autres proches dans un groupe de soutien lui ont expliqué qu’il s’agit d’usure de compassion. Je me suis mis à pleurer : pour la première fois, je sentais que je n’étais pas seul et, surtout, que je n’étais pas mauvais. »

Pistes de solutions pour prévenir l’usure de compassion

Prendre soin de soi avant de prendre soin des autres

L’une des meilleures façons pour prévenir l’usure de compassion est de prendre soin de soi! On vous répète souvent à quel point il est important de prendre soin de soi avant de prendre soin des autres… et bien, l’usure de compassion est sûrement l’une des raisons qui souligne à quel point c’est important! 

Prendre soin de soi est une pratique essentielle pour maintenir son bien-être émotionnel et physique, particulièrement pour ceux qui soutiennent une personne vivant avec un trouble mental. Il s'agit de s'accorder des moments de détente et de loisirs, loin des responsabilités et du stress quotidien. Cela peut inclure des activités comme la méditation, le sport, la lecture, les sorties entre amis, la promenade en nature, ou encore la pratique d'un passe-temps créatif tel que la peinture ou la musique. Prendre du temps pour soi permet de recharger ses batteries, de réduire le stress et de retrouver un équilibre intérieur. C'est aussi une façon de cultiver une meilleure connaissance de soi et de ses limites, favorisant ainsi une relation plus saine avec la personne aidée. Prendre soin de soi n'est pas un luxe, mais une nécessité pour pouvoir continuer à offrir un soutien efficace sans s'épuiser. En se respectant et en prenant soin de soi, on se sent plus fort et capable d'affronter les défis avec une énergie renouvelée.

Exprimer nos limites

Établir et maintenir des limites claires est crucial pour préserver son bien-être émotionnel et mental. Cela signifie reconnaître ses propres besoins et accepter que l'on ne peut pas tout gérer seul. Mettre en place des limites aide à prévenir l'épuisement et à éviter la surcharge émotionnelle. Par exemple, il est essentiel de définir des moments de pause où l'on se déconnecte des responsabilités reliées à notre rôle d’accompagnateur pour se consacrer à des activités personnelles et ressourçantes. Il s'agit aussi de communiquer clairement avec la personne qu’on accompagne sur ce que l'on peut et ne peut pas faire, et de ne pas hésiter à demander de l'aide extérieure, que ce soit à d'autres membres de la famille, à des amis ou à des professionnels. En établissant ces frontières, on protège non seulement sa propre santé mentale, mais on encourage aussi une dynamique relationnelle plus équilibrée et respectueuse. Maintenir des limites saines permet de continuer à offrir un soutien de qualité sans sacrifier son propre bien-être. Si vous souhaitez en savoir plus sur les limites et comment les exprimer, nous avons un texte qui aborde le sujet en détails!

Réaliser des apprentissages

Accompagner une personne qui vit avec un trouble de santé mentale, demande d’apprivoiser son stress, son anxiété ou toute émotion désagréable… ce sont des compétences qui ne sont pas innées! Se donner le droit de ne pas savoir, d’apprendre et de se tromper est nécessaire pour prévenir l’usure de compassion. Après tout, le chemin sur lequel vous êtes est nouveau pour toute la famille, pas seulement pour votre être cher! Par exemple, apprendre sur le trouble de santé mentale peut être très utile pour augmenter votre sentiment d’efficacité face à la situation. Un autre exemple pourrait être d’apprendre des stratégies de gestion du stress, soit en lisant notre texte sur le sujet, en discutant de votre vécu avec une personne de confiance ou encore avec un professionnel peut faire une grande différence afin de prévenir une surcharge émotionnelle!

Se créer un réseau de soutien

Rechercher et accepter du soutien est une stratégie vitale pour prévenir et gérer l'usure de compassion. Lorsque l'on soutient une personne qui vit avec un trouble mental, il est facile de se sentir isolé et submergé par les responsabilités. Le soutien professionnel, comme consulter un thérapeute ou joindre des groupes de soutien dans l’organisme dédié aux proches de votre région, offre un espace sécuritaire pour exprimer ses émotions et ses sentiments, obtenir des conseils pratiques et apprendre des stratégies d'adaptation. Ces différents types de ressources peuvent vous fournir des outils essentiels pour mieux gérer le stress et aider à prévenir l'épuisement. Parallèlement, le soutien personnel de la part d'amis et de la famille est tout aussi crucial. Compter sur des personnes de confiance dans son entourage avec qui partager ses expériences et ses sentiments peut alléger le fardeau émotionnel et renforcer le sentiment de ne pas être seul dans cette situation. En acceptant l'aide des autres, on permet à son propre réservoir de compassion de se reconstituer, réduisant ainsi les risques d'épuisement. Se montrer ouvert à recevoir du soutien, sous diverses formes, contribue significativement à maintenir un équilibre émotionnel et à préserver sa santé mentale tout en continuant à être un accompagnateur dévoué et efficace.

Le rôle de la spiritualité

La spiritualité, bien que rarement abordée, joue un rôle déterminant pour de nombreux proches confrontés aux défis d'accompagner une personne vivant avec un trouble mental. Pour certains, la spiritualité offre une profonde source de réconfort et de force, leur permettant de trouver un sens et une perspective dans des moments difficiles. Selon certaines recherches, elle constitue même une des plus grandes sources favorisant le rétablissement et le bien-être émotionnel. La spiritualité peut être vécue de différentes façons selon vos propres croyances : à travers la méditation, la prière, la participation à des activités religieuses ou spirituelles, ou encore par la recherche d’un lien plus profond avec soi-même et l'univers. Elle aide à cultiver l'espoir et à développer une attitude de compassion envers soi-même et les autres. En intégrant des pratiques spirituelles dans votre quotidien, cela pourrait vous être d’un apport inestimable pour réduire l’isolement et renouveler votre capacité à offrir un soutien aimant et équilibré. La spiritualité, en tant que ressource intérieure, mérite d'être reconnue et valorisée!

« Une fois que j’ai accepté que l’usure de compassion est une réalité vécue par plusieurs proches confrontés à des défis similaires aux miens je me suis mise en mode solutions. Ce qui faisait le plus de sens pour moi était de joindre un groupe de soutien dans l’organisme dédié aux proches de ma région. Je pense souvent à cette décision comme le premier pas de mon propre rétablissement face à l’usure de compassion : un poids immense s’est levé de mes épaules et j’ai pu apprendre, pas à pas, à prendre soin de moi en ressentant moins de culpabilité. Cela m’a aussi permis de développer mes connaissances sur la santé mentale et mon rôle d’accompagnatrice. Dernièrement, j’ai commencé la méditation et c’est une petite action quotidienne qui m’apporte beaucoup de perspective face à ma situation. Tout ce travail sur moi m’a permis non seulement de mieux accompagner mon être cher, mais également de renforcer notre relation! »

En conclusion, en comprenant et en reconnaissant les signes de l'usure de compassion vous pouvez mieux vous protéger et continuer à offrir un soutien efficace sans mettre en péril votre propre santé mentale. Une chose est certaine, vous n’êtes pas seul à vivre cela et vous n'avez pas à rester seul là-dedans : c’est une réalité partagée par un grand nombre de proches à un moment ou un autre. Même si c’est une réalité largement partagée, c’est vous qui êtes le mieux placé pour savoir quelles solutions conviennent à votre situation! Alors nous vous invitons à passer à l’action : si vous aviez une seule stratégie en place pour prévenir ou sortir de l’usure de compassion, quelle serait-elle?

En résumé

Sources et notes

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