Qu’est-ce que le trouble obsessionnel-compulsif?
Qu’est-ce que le trouble obsessionnel-compulsif?
À travers ce texte, apprenez-en davantage sur le trouble obsessionnel-compulsif : sa prévalence, son développement, ses traitements et plus encore.
Dans ce texte, nous allons vous présenter ce qu’est le trouble obsessionnel-compulsif (TOC). Un autre texte traitera du trouble d’accumulation compulsive (TAC) longtemps nommé le « syndrome de Diogène », mais qui en est distinct. Ces deux troubles sont classés parmi les troubles obsessionnels-compulsifs selon le manuel diagnostique de l’APA dans une section à part des troubles anxieux.
En plus du TAC, les autres catégories de troubles classés dans cette catégorie des troubles obsessionnels-compulsifs dans ce manuel sont entre autres : le trouble dysmorphique corporel qui est caractérisé par une préoccupation excessive quant à un ou des défauts dans l’apparence physique qui sont mineurs ou non observables par les autres; la trichotillomanie qui consiste à s’arracher les cheveux et qui peut résulter en la perte de ses cheveux; l’excoriation où la personne se gratte la peau de manière répétitive sans raison apparente.
Dans un premier temps nous allons définir le TOC, ce que sont les obsessions et les compulsions et leurs thèmes les plus communs. Nous traiterons également de la prévalence de ce trouble. Par la suite nous aborderons la neutralisation qui vise à chasser les pensées obsédantes, mais qui malheureusement contribue à les maintenir. Ensuite comment on peut traiter ce trouble, et enfin des conseils pour l’entourage ainsi que pour les personnes qui vivent avec un TOC.
Le trouble obsessionnel-compulsif
Comme son nom l’indique, le trouble obsessionnel-compulsif est caractérisé par des pensées récurrentes et intrusives difficiles à chasser (les obsessions). Ces pensées créent de la détresse et conduisent à des compulsions, c’est-à-dire des gestes répétitifs (ou rituels). Ces gestes visent à chasser les obsessions et à réduire l’inconfort résultant des pensées intrusives1.
On qualifie la dimension obsédante des manifestations du trouble obsessionnel-compulsif (TOC) d’égodystonique, c’est-à-dire que la personne interprète le contenu de ses obsessions comme étant étranger à elle-même et contraire à ses valeurs2. Mais la personne prend ce contenu au pied de la lettre.
Les thèmes les plus communs des obsessions
Les thèmes les plus communs des obsessions sont les thèmes qui portent sur la saleté, les maladies, les doutes répétés, la mort, la sexualité et la religion. Parfois les obsessions concernent le besoin de symétrie ou encore l’ambivalence dans la prise de décision3. Comme l’explique le psychiatre français Jean Cottraux4, ce sont des pensées « refusées ». Pour celles qui ont trait à l’agressivité et à la violence, des exemples sont l’idée obsédante de transpercer son conjoint avec un couteau, d’écraser un piéton par mégarde, etc. Dans la période postpartum, il arrive que les femmes qui vivent avec ce trouble aient des pensées violentes obsédantes de blesser leur enfant, ce qui conduit à éviter celui-ci5.
La transgression de tabous religieux, sociaux et moraux constitue également des thèmes très fréquents de pensées obsédantes comme « cracher sur la croix, laisser échapper une obscénité en public, incommoder les autres par de mauvaises odeurs […]. Les risques de contamination personnelle ou la transmission de maladies infectieuses [sont] des motifs d’inquiétude fréquents » (Cottraux, 2005, p. 10).
Au cœur de ses pensées obsédantes ou « refusées » se cache un sentiment de responsabilité personnelle excessive, une propension de la personne qui vit avec ce trouble à toujours se sentir responsable des suites néfastes d’un évènement. Ce jumelage provoque alors une pensée automatique négative : « S’il y a un incendie, ce sera ma faute »6. S’ensuit alors un rituel pour en contrer les conséquences possibles.
Les thèmes les plus communs des compulsions
Les thèmes les plus communs des compulsions sont le lavage, la vérification et l’ordre. Chez les enfants, le TOC se traduit par des compulsions de vérification, des rites de rangement d’objets scolaires ou d’autres objets leur appartenant et des tics moteurs7.
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Concernant le thème du lavage, cela concernerait 80 % de femmes. Les rituels débuteraient rapidement et les obsessions sous-jacentes seraient liées à des stimuli environnementaux, par exemple la peur des microbes. On évite ainsi des situations où on pourrait être en contact avec des microbes ou on l’annule par des rituels de lavage : le rituel consistera à se laver les mains plusieurs fois par jour et l’évitement consistera à ne pas toucher les poignées de porte ou à porter en permanence des gants.
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Quant au thème de la vérification, il comprend autant d’hommes que de femmes. Les personnes cherchent à prévenir d’éventuelles catastrophes qui pourraient survenir, et pour soulager leurs pensées obsédantes vont vérifier par exemple si la cuisinière est bel et bien fermée ou si des objets dangereux sont bien à leur place. Ce qui pourrait, par mégarde, être à l’origine d’un décès ou d’un accident. Comme la personne ne peut jamais être certaine de l’avenir, le rituel est toujours à recommencer et aboutit en fin de compte à une augmentation de l’anxiété.
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Pour ce qui est du thème de l’ordre, les personnes se sentent obligées de ranger les objets de manière identique et parfaite. Sinon elles doivent tout recommencer et ne peuvent passer à autre chose8. Le psychiatre Cottraux raconte l’histoire d’une dame qui se sentait obligée d’enfiler ses vêtements de manière parfaite, mais étant donné qu’elle n’y parvenait jamais, passait sa vie en robe de chambre. Elle alla même ainsi vêtue le consulter!
Cet exemple illustre une tendance au perfectionnisme chez les personnes vivant avec un TOC.
On est à même, par cet exemple et celui de l’évitement de son enfant, de constater comment le TOC peut occasionner une perturbation importante dans la vie de tous les jours des personnes qui sont aux prises avec ce trouble ainsi qu’à leur entourage.
Quelle est la prévalence du trouble obsessionnel-compulsif?
On retrouve aussi bien au Canada qu’aux États-Unis et dans d’autres pays du monde une prévalence sur 12 mois de 1,1 % à 1,8 %. Les femmes sont plus affectées par ce trouble à l’âge adulte alors que les hommes le sont durant l’enfance; 25 % d’entre eux le développent d’ailleurs avant l’âge de 10 ans. Les obsessions reflètent des contenus appropriés selon le développement émotionnel : un taux plus élevé d’obsessions à caractère sexuel et religieux chez les adolescents que chez les enfants; des taux plus élevés d’obsessions reliées à des peurs d’occasionner la mort d’êtres chers chez les enfants et les adolescents que chez les adultes9.
Qu’entend-on par neutralisation?
Elle se définit « comme une activité volontaire qui a pour but de prévenir, de chasser ou de diminuer la pensée obsédante » (Ladouceur et al., 1999, p. 104). Plusieurs stratégies sont tentées, les plus répandues sont l’arrêt de la pensée, mais comme le souligne Cottraux (2005, p. 10) : « En luttant contre une idée, on la transforme en obsession! ». Les autres sont la distraction, l’évitement, le remplacement de la pensée par une autre et les efforts pour se rassurer. Mais aucune de ces stratégies ne fonctionnent à long terme10. Comme nous l’avons démontré dans d’autres textes, toutes les formes d’évitement contribuent à maintenir les troubles que l’on désire chasser ou encore à les amplifier.
Comment traiter le TOC?
On s’entend chez les spécialistes du traitement de ce trouble à recourir à des thérapies cognitives comportementales (TCC) dont nous décrivons les principales composantes.
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L’exposition in vivo ou en imagination
on débute par dresser une liste par ordre décroissant des situations qui déclenchent les obsessions et on débute par celle qui cause le moins d’anxiété, et par la suite on y va progressivement. Au départ les exercices se font avec l’aide du thérapeute et les personnes les répètent à la maison. La thérapie prend fin lorsque la personne est capable de cesser complètement les rituels. Mais il arrive que l’exposition in vivo ne soit pas possible par exemple dans le cas d’une personne dont l’idée obsédante est de causer un incendie ou un accident, alors on procède par imagination11.
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L’exposition en imagination
consiste à enregistrer en boucle le scénario obsessionnel – par la personne idéalement – sur une enregistreuse comprenant tous les éléments présents dans l’obsession. On mesure le degré d’anxiété avant le début de l’exercice, après chacune des écoutes et après l’exposition pour évaluer la progression de la personne. Au début elle est accompagnée par le thérapeute, par la suite elle le réalise seule à la maison12.
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La prévention de la réponse aux pensées obsédantes sous forme de compulsions ou ce que l’on appelle la neutralisation
Pour que l’exposition soit efficace il faut la coupler à la prévention des compulsions ou des stratégies de neutralisation. Il s’agit de s’empêcher graduellement d’effectuer ces réponses ou toute forme de neutralisation ayant pour but de chasser l’obsession ou de réduire l’anxiété. L’objectif est d’éliminer complètement tous les agents neutralisants, c’est-à-dire toute stratégie visant à chasser les pensées obsédantes.
Si jamais la personne a recours à des stratégies de relaxation pour tenter de chasser (neutraliser) ses pensées obsédantes, à ce moment cette stratégie ne doit pas être utilisée avec elle.
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La surestimation de la responsabilité personnelle
celle-ci correspond au fait pour les personnes d’attribuer un pouvoir à leurs pensées sur la possibilité de conséquences négatives. On rencontre cela surtout chez les personnes qui ont des pensées obsédantes de nature agressive, sexuelle ou religieuse. Des personnes par exemple qui croient que le fait d’avoir une pensée de violence augmente la probabilité de commettre un acte violent. C’est ce qu’on appelle la fusion pensée-action. Sous sa forme extrême la fusion pensée-action correspond à la pensée magique, c’est-à-dire que l’individu est convaincu qu’il peut, par ses pensées, modifier le cours des événements. On peut renverser ces croyances par des expériences comportementales. Par exemple on demande de penser très fort à briser un appareil électrique chez soi pendant une semaine afin de vérifier le bien-fondé de ses convictions.
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Les tendances perfectionnistes
les personnes vivant avec un TOC ont tendance à croire qu’il existe un état de perfection qu’elles peuvent atteindre en y mettant suffisamment d’efforts. Une telle conception est caractérisée par une pensée dichotomique « tout ou rien ». Alors si elles n’atteignent pas le but ultime, tout résultat est un échec total. On cherche en intervention à mettre en évidence cette façon dichotomique de penser. On pourrait leur demander de dresser une liste d’avantages et de désavantages à fonctionner comme cela. On pourrait suggérer à une personne qui n’arrive pas à passer à travers des piles de dossiers qu’elle cumule sur son bureau de faire trois piles : une urgente, une moins urgente et l’autre pas du tout urgente. Alors elle pourra passer au travers de la première pile et ainsi éviter des problèmes au travail. En effet ce type de problème peut occasion une perte d’emploi.
En résumé : la personne a recours à des rituels (compulsions) pour neutraliser les pensées obsessionnelles. Malheureusement cela agit comme une sorte d’évitement situationnel, donc le rituel (la neutralisation) maintient le trouble obsessionnel-compulsif plutôt que l’enrayer. Donc il est important que la personne apprenne à éliminer graduellement, mais complètement tous les agents neutralisants (les rituels).
Il est possible également d’ajouter à la TCC un traitement pharmacologique pour aider à cesser les rituels avec moins d’anxiété, et la TCC permet, par ses résultats, de réduire la prise de ces médicaments ou de les interrompre sans dommage13.
Que puis-je faire pour aider une personne qui vit avec un TOC?
Premièrement si votre être cher présente un tel problème, il serait important de lui conseiller de consulter un professionnel de la santé mentale habileté à traiter ce type de trouble. On constate qu’il s’écoule parfois plusieurs années avant que la personne consulte et le trouble à ce moment ne peut que s’aggraver jusqu’à ce qu’elle soit « dévorée » par ses symptômes. Et il faut savoir que plus la personne attend, plus le traitement sera difficile. Bien souvent les personnes qui vivent avec ce trouble n’en parlent pas à l’entourage car elles en ont honte ou les considèrent comme ridicules, on les percevra à ce moment comme étant dépressives14.
Une des hypothèses que nous pouvons émettre, c’est que cette honte est peut-être exacerbée par le fait qu’on se moque énormément des personnes vivant avec un TOC dans les comédies par exemple. Ceci peut expliquer en partie qu’elles hésitent à consulter.
Quoi qu’il en soit, si votre être cher décide de vivre dans le secret de son trouble, il risque de vivre isolé avec ses symptômes alors que s’il met sa famille et ses amis au courant de ses difficultés, ces derniers pourront l’aider de diverses façons15.
Pour les personnes qui ne souhaiteraient pas consulter un professionnel de la santé mentale, Il existe des guides d’autosoins pour les aider ainsi que leur entourage. Voir entre autres le feuillet écrit par les Dres Geneviève Caron et Anne-Sophie Boulanger-Couture de l’hôpital en santé mentale Albert-Prévost. Les personnes vivant avec le TOC peuvent également se joindre à un des groupes d’entraide organisés par Phobies Zéro qui existent dans plusieurs localités du Québec.
Le psychiatre Cottraux expose sept qualités pour aider à accompagner une personne qui vit avec le TOC.
- Avoir une attitude de soutien, savoir l’écouter mais ne pas se complaire dans ses ruminations pessimistes, l’aider à focaliser son attention sur des pensées et activités plus productives.
- L’aider à résister à ses rituels. Présentez cette résistance comme un jeu ou un défi.
- Reconnaitre les gains, même si minimes au début.
- Démontrer de la souplesse durant les périodes de stress.
- Être cohérent et fixer des règles de fonctionnement dans le couple ou dans la famille. Il importe de ne pas se laisser persécuter par la personne, mais lui montrer que d’autres comportements sont possibles. Si votre être cher vous demande d’exécuter un rituel à sa place, il faut refuser simplement et lui dire que cela ne peut qu’aggraver son état en renforçant sa tendance à ritualiser.
- Ne pas chercher à réconforter de façon systématique à chaque demande d’être rassuré. Sinon vous risquez de vous sentir submergé par ces demandes et être pris dans un nouveau rituel.
- Être positif dans votre attitude et ne pas critiquer votre être cher pour son comportement. Une personne qui vit avec un TOC a souvent un sentiment d’infériorité. Donc plus elle sera infériorisée, plus elle ira mal, et plus elle effectuera des rituels pour tenter de diminuer son anxiété. Il est préférable de valoriser ses efforts vers le rétablissement.
En conclusion, le TOC se caractérise par des pensées obsédantes que la personne essaie de chasser en pratiquant des rituels (des compulsions). Le fait de tenter de chasser ces pensées (de les neutraliser) empêche la résolution de ce trouble. En effet, en pratiquant des rituels, le trouble se maintient ou encore est amplifié.
Vivre avec une personne ayant un TOC peut être difficile par moments. N’hésitez donc pas à consulter pour vous-mêmes un professionnel de la santé mentale habilité dans ce domaine ou encore à vous joindre à l’association membre de CAP santé mentale de votre région.
Sources et notes
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1 American Psychiatric Association. (2022). Diagnostic and statistical manual of mental disorders. Text revision (DSM-5-TRTM) (5e éd.) https://doi.org/10.1176/appi.books.9780890425787
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2 Ladouceur, R., Rhéaume, J. et Freeston, M. (1999). Le trouble obsessionnel-compulsif. Dans R. Ladouceur, A. Marchand et J.-M. Boisvert (dir.). Les troubles anxieux. Approche cognitive et comportementale (p. 95-119). Gaëtan Morin Éditeur.
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3 Ibid.
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4 Cottraux, J. (2005). Les ennemis intérieurs. Obsessions et compulsions. Poches Odile Jacob.
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5 APA (2022), op. cit.
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6 Ladouceur et al. (1999), op. cit.
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7 Ibid.
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8 Cottraux (2005), op. cit.
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9 APA (2022), op. cit.
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10 Ladouceur et al. (1999), op.cit.
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11 Rector, N.A., Bartha, C., Kitchen, K., Katzman, M. et Richter, M. (2016). Le trouble obsessionnel-compulsif. Guide d’information. Toronto, Center for Addiction and Mental Health (Centre de toxicomanie et de santé mentale).
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12 Ladouceur et al. (1999), op. cit. pour la description de cette composante et celles qui suivent.
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13 Cottraux (2005), op. cit.
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14 Ibid.
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15 Rector et al. (2016), op. cit.
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