Les troubles du spectre de la schizophrénie
Les troubles du spectre de la schizophrénie
Les troubles schizophréniques sont complexes et affectent pensées, émotions et comportements. Découvrez leurs symptômes, causes, prévalence et traitements.
Qu’est-ce qu’un trouble schizophrénique?
Dans le manuel sur les diagnostics psychiatriques de l’Association américaine de psychiatrie, le DSM, on traite de troubles du spectre de la schizophrénie, et d’autres troubles psychotiques, qui incluent le trouble schizophrénique. Ils sont définis par des anormalités dans un ou plus de ces cinq domaines1 : délires, hallucinations, pensées ou discours désorganisés, un comportement moteur anormal ou grossièrement désorganisé incluant la catatonie (sa caractéristique principale est un trouble psychomoteur marqué, soit par une activité motrice décrue ou encore une activité motrice particulière et excessive), et enfin les symptômes dits négatifs (DSM-5-TR, p. 101)2.
Pour certains, les symptômes apparaissent graduellement et s’échelonnent sur plusieurs années. Ce phénomène fait en sorte que plusieurs familles n’arrivent pas à déterminer si la personne traverse un moment difficile ou s’il s’agit de quelque chose de plus sérieux. Mais pour d’autres la survenue est soudaine et les symptômes représentent à ce moment un choc pour les familles. En effet un diagnostic de schizophrénie est un événement bouleversant dans la vie d’une personne et de celle des membres de sa famille. Ce trouble de santé mentale apparaît généralement à la fin de l’adolescence, une période critique du développement de la vie d’un jeune adulte.
Une définition des cinq domaines3
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Délires
Les délires sont des croyances fortement ancrées chez la personne qui sont difficiles à changer même au regard de preuve du contraire. Leur contenu peut inclure une variété de thèmes : de persécution, de grandeur, de référence, d’érotomanie, de nihilisme et somatique.
- Les délires de persécution (ou paranoïaque), qui sont les plus fréquents, renvoient à l’idée que la personne est convaincue qu’elle sera blessée, harcelée par une autre personne ou une organisation (comme la mafia par exemple).
- Les délires de grandeur sont assez fréquents également. La personne croit qu’elle a une renommée ou des talents exceptionnels.
- Concernant les idées de référence, qui sont également communes, la personne croit qu’on s’adresse à elle par exemple dans une émission de télévision.
- Les délires érotomaniaques sont moins fréquents que les précédents. Les idées délirantes érotomaniaques consistent à percevoir du désir chez une personne alors qu’il n’y en a pas (par exemple la personne peut être convaincue qu’un chanteur connu soit amoureux d’elle, alors qu’il ne l’a vue qu’une seule fois lors d’une séance de signature d’autographe).
- Les délires nihilistes renvoient en la certitude qu’une catastrophe va se produire de façon imminente. Par exemple, le gourou d’une secte annonce que la fin du monde arrivera à une telle date, à tel endroit (Huot et Lalonde, 2016, p. 223)4.
- Enfin, les délires somatiques consistent quant à eux en une préoccupation marquée à l’égard de sa santé et des fonctions du corps.
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Hallucinations
Les hallucinations sont des expériences sensorielles qui sont pour la plupart sans source extérieure5, mais qui sont perçues avec la force et l’impact de perceptions normales. Elles ne sont pas sous le contrôle de la personne. Les plus fréquentes sont auditives – on considère à ce moment que la personne entend des voix – mais elles peuvent aussi apparaitre sous d’autres formes. Notons que les hallucinations peuvent survenir lorsqu’une personne tombe endormie (hypnagogiques) ou au réveil (hypnopompiques), mais ces perceptions sont considérées comme étant normales.
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Pensées ou discours désorganisés
Le discours ou la pensée désorganisés sont généralement déduits du discours de la personne. Ce discours peut être décousu, la personne peut passer d’un sujet à l’autre, ou donner des réponses à des questions qui ne sont pas reliées entre elles.
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Comportement moteur anormal ou désorganisé
Le comportement moteur anormal ou désorganisé se manifeste sous une variété de manières allant de comportements enfantins à une agitation imprévisible. Ces types de comportement interfèrent avec les activités de la vie quotidienne. Il arrive par ailleurs qu’une personne atteinte d’un trouble schizophrénique ait un comportement catatonique qui est caractérisé par une baisse marquée de réactivité à l’environnement. Cela s’étend d’une forme de résistance aux instructions (négativisme), d’une sorte de maintien d’une rigidité corporelle à une absence de réponses motrices ou verbales (mutisme et stupeur).
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Symptômes négatifs
Les symptômes négatifs sont caractéristiques du trouble schizophrénique, mais sont moins fréquents dans les autres troubles psychotiques. Ils sont nommés ainsi en raison que ce sont des comportements qui se sont radicalement appauvris par rapport à ce que la personne réalisait avant le trouble6.
Deux symptômes négatifs dominent concernant le trouble schizophrénique : une diminution de l’expression émotionnelle (ou affect émoussé) et un manque d’énergie (ou avolition)7.
- La diminution de l’expression émotionnelle inclut une réduction : de l’expression des émotions dans le visage, de contacts visuels, d’intonation du discours, des mouvements de la main, de la tête et du visage qui, sans ces expressions, rend difficile de capter l’accent émotionnel du discours.
- Le manque d’énergie est une baisse de la motivation qui se caractérise par un manque d’initiative à poursuivre des activités significatives. La personne peut rester assise de longues périodes et montrer peu d’intérêt à participer à des activités sociales. Elle peut également ne plus ressentir de plaisir à avoir ce type d’activités, ce qu’on appelle l’anhédonie. Cette perte de plaisir est « difficile à supporter tant pour la personne touchée que pour ses proches, puisque cette perte de plaisir peut entrainer le sentiment que la vie n’a plus d’intérêt et peut faire perdre toute motivation ».8
Quelles sont les causes du trouble psychotique et du trouble schizophrénique?
Avant de recevoir un diagnostic de schizophrénique, les personnes expérimentent ce que l’on appelle un premier épisode psychotique (PEP). Le trouble psychotique se distingue selon trois phases distinctes9 :
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la phase prémorbide où la personne est confrontée à une série de facteurs de risque prédisposants (génétiques, périnataux, neurobiologiques, une histoire de maltraitance et de placement, des facteurs familiaux, des difficultés sociales, etc.), et des facteurs précipitants – ou facteurs déclencheurs qui ne sont pas la cause directe –, par exemple le fait d’être confronté à un stress significatif comme un trauma relié à de l’intimidation ou la consommation de cannabis – à forte concentration de THC – ou d’hallucinogènes;
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la phase prodomique où apparaissent les signes avant-coureurs du trouble, annonciateurs d’un changement du fonctionnement cognitif, psychologique et social;
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et enfin le premier épisode psychotique (PEP). Le trouble schizophrénique quant à lui peut apparaitre à la suite de ce PEP si la condition de la personne se détériore ou que le PEP n’est pas traité rapidement. C’est à ce moment que peut survenir une phase persistante ou stable où le diagnostic de schizophrénie sera posé10. On attend, en effet, généralement une période d’au moins six mois de symptômes avant de poser ce diagnostic. Il est par ailleurs possible qu’une personne n’expérimente qu’un seul PEP, particulièrement dans le cas d’une psychose toxique reliée à une forte consommation de drogues.
Quelle en est la fréquence?
Le taux de prévalence11 à vie de la schizophrénie s’étendrait entre 0,3 et 0,7 % de la population12. Cependant les phénomènes migratoires peuvent augmenter ce risque; on rencontre en effet de 3 à 5 % de personnes atteintes de schizophrénie chez les populations déplacées confrontées à un stress énorme. La schizophrénie est présente dans tous les pays, mais elle serait plus élevée dans les régions urbaines. Une vaste étude internationale n’a trouvé aucune différence de prévalence entre les sexes, mais il semble que les hommes montrent plus de symptômes négatifs que les femmes et une durée plus longue du trouble. Cependant la survenue tardive de ce trouble de santé mentale, c’est-à-dire après 40 ans, est beaucoup plus fréquente chez les femmes qui conservent, en général, un bon fonctionnement social et affectif malgré des symptômes psychotiques13.
Comment la traiter?
De plus en plus, au Québec et ailleurs, on offre une intervention dite précoce, c’est-à-dire assez rapidement après la survenue des premiers symptômes psychotiques. En effet, le pronostic de rétablissement est meilleur si la durée non traitée est plus courte. Il existe de nombreuses preuves scientifiques qu’une intervention précoce contribue à réduire les impacts sur la situation sociale de la personne et de son entourage (sur l’emploi, les relations interpersonnelles, l’habitation, etc.).
La plupart du temps la personne se verra prescrire des médicaments antipsychotiques, mais un traitement réussi impliquera l’intervention d’une équipe interdisciplinaire (médecin psychiatre, infirmière, travailleuse sociale, psychologue, etc.) en raison de la complexité liée à ce trouble. Il est important par ailleurs qu’un projet significatif soit adopté par la personne dès le début du traitement et que sa famille soit engagée dans le processus d’intervention pour maximiser les chances de succès de l’intervention.
Comment dois-je réagir?
Malgré le fait que la situation puisse être sous tension ou lourde, osez parler à votre être cher de ce qui vous inquiète et des sentiments que vous éprouvez.
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Parlez lentement, d’une voix calme en utilisant des phrases courtes et simples pour éviter la confusion. À titre d’exemple : « Je suis inquiet parce que tu ne manges plus avec nous, qu’est-ce qui ne va pas ? ». Même si votre être cher ne vous répond pas, il saura que vous êtes là pour lui. S’il est conscient que quelque chose ne va pas, il peut passer des semaines, voire des mois dans un état de confusion et de peur. Il tentera de comprendre son problème par lui-même et il peut tout mettre en œuvre pour vous convaincre que la situation est parfaitement « normale ».
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Ne restez pas seul dans la gestion de la situation, faites appel à d’autres personnes qui connaissent bien votre être cher. Il s’est peut-être isolé de son cercle d’amis; suggérez-lui de parler de ses inquiétudes avec quelqu’un en qui il a confiance ou demandez-lui si vous pouvez communiquer avec une personne de votre entourage qui pourrait l’aider.
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Si sa condition ne s’améliore pas, encouragez-le à consulter. Pour éviter de raviver les inquiétudes qu’il n’a jamais pu exprimer, attirez son attention sur un problème particulier. À titre d’exemple : « J’ai remarqué que tu as de la difficulté à dormir depuis quelques temps et que tu es très fatigué durant le jour. Tu pourrais consulter un médecin à ce propos? ». La consultation d’un médecin généraliste peut représenter le début d’un processus de demande d’aide.
Malgré vos efforts, il est possible que votre être cher refuse votre aide. Il ne faut pas vous décourager car des gens qualifiés peuvent vous venir en aide rapidement; contactez rapidement l’association de familles de votre région qui vous accompagnera dans votre situation.
Que dois-je éviter de faire?
Dans un premier temps, n’oubliez jamais que vous n’êtes pas le thérapeute de votre être cher. Évitez de lui formuler des solutions toutes faites ou de lui poser un diagnostic. En tout temps, il est important d’éviter de lui faire la morale ou de faire pression sur lui pour lui suggérer de se prendre en main. Évitez de le ridiculiser, de le blâmer ou de faire des plaisanteries sur sa situation.
N’oubliez pas que ce n’est pas par mauvaise volonté que votre être cher a moins de motivation, cela fait partie des symptômes du trouble.
Il est important d’éviter toute confrontation qui vise à prouver à votre être cher que ce qu’il entend, voit, sent ou ressent n’existe pas. Rappelez-vous toujours que l’expérience est réelle pour lui. Cependant, un geste ou une parole lui exprimant votre amour, votre amitié ou votre attachement, selon le cas, pourrait le rassurer.
À retenir
La schizophrénie est un trouble de santé mentale qui entraîne des symptômes importants affectant la pensée, l’aspect émotionnel, l’humeur et les comportements. Il faut faire preuve de patience et surtout, faire appel à des ressources d’aide. Il est par ailleurs possible de se rétablir de la schizophrénie; plusieurs personnes y parviennent.
Sources et notes
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1 Ce que l’on dénommait auparavant « symptômes positifs ».
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2 American Psychiatric Association. (2022). Diagnostic and statistical manual of mental disorders. Text revision (DSM-5-TRTM) (5e éd.) https://doi.org/10.1176/appi.books.9780890425787
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3 Ces définitions proviennent toutes du DSM-5-TR.
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4 Huot, A. et Lalonde, J.-A. (2016). Les troubles du spectre de la schizophrénie et les autres troubles psychotiques. Dans M. Benny, A. Huot, J.-A. Lalonde, J. Landry-Cuerrier, L. Marinier et M.-A. Sergerie (dir.), Santé mentale et psychopathologie. Une approche biopsychosociale (2e éd., p. 217-244). MODULO.
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5 Notons qu’il arrive parfois qu’une hallucination auditive soit déclenchée à la suite d’un bruit extérieur.
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6 Huot et Lalonde (2016), op. cit., p. 229.
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7 DSM-5-TR (2022), op. cit., p. 102-103.
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8 Huot et Lalonde (2016), op. cit., p. 231.
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9 Pauzé, R., Bacque-Dion C. et Houle, A.-A. (2018, 29 mars). Carte conceptuelle du premier épisode psychotique. État des connaissances et pistes d’intervention. [Webinaire], Centre de recherche universitaire sur les jeunes et les familles du CIUSSS de la Capitale-Nationale.
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10 Tandon, R., Nasrallah, H.A. et Keshavan, M.S. (2009), Schizophrenia, “just the facts” 4. Clinical features and conceptualization. Psychiatric Research, 110(1-3), 1-23.
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11 La prévalence est un terme utilisé en épidémiologie (études des maladies) pour désigner le pourcentage de personnes atteintes d’une maladie ou d’un trouble dans une période donnée. Elle est calculée en prenant en compte le nombre de personnes atteintes divisé par le nombre total de la population.
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12 DSM-5-TR, op. cit., p. 116.
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13 Ibid, p. 117.
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