Le rétablissement : redonner vie à l'espoir et à l'avenir ensemble
Le rétablissement : redonner vie à l'espoir et à l'avenir ensemble
Ton être cher est atteint d’un trouble de santé mentale et ton espoir en son avenir s’est estompé. C’est tout à fait compréhensible, et même si c’est difficilement imaginable qu’il se rétablisse à ce moment-ci, tu dois garder espoir que cela est possible, et ce, dans un avenir peut-être pas aussi lointain que tu ne le penses.
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Qu’est-ce que le rétablissement?
Plusieurs définitions ont été données du rétablissement. Pour Patricia Deegan, docteure en psychologie clinique, elle-même rétablie de la schizophrénie, le rétablissement est un processus et non une finalité, une façon d’aborder les défis quotidiens et une manière de s’ouvrir à des possibilités en soi. Elle considère que ce processus s’enracine dans la prise de conscience profonde que les gens présentant un trouble de santé mentale sont d’abord et avant tout des humains.
Je suis une personne, pas une maladie.
Que veut-on dire par processus?
C’est que la personne expérimente des avancées et des reculs, c’est-à-dire qu’elle peut vivre des rechutes, mais ces rechutes sont avant tout vues comme des possibilités d’apprendre et de grandir. Le rétablissement ne signifie pas « guérison », c’est qu’une vie meilleure est possible malgré une certaine vulnérabilité et la résurgence possible de symptômes. Ces personnes n’ont pas perdu leurs talents et leur potentiel, même si ces talents nous paraissent avoir disparu. Il est possible de les potentialiser en misant sur leurs forces.
Patricia Deegan a vécu isolée pendant de nombreuses années dans son appartement, et c’est l’insistance de sa grand-mère à l’accompagner faire des courses, qu’elle a un jour accepté, qui a été l’élément déclencheur de son rétablissement. Aujourd’hui cette femme, par les initiatives qu’elle a créées, est une leader dans le domaine.
Voir le texte qu’elle a écrit sur le sujet traduit par Hubert Carbonnelle.
Pourquoi croire au rétablissement et comment est-il possible?
Parce que plusieurs recherches et témoignages de personnes vivant avec un trouble de santé mentale ont démontré que cela était possible. Par exemple une vaste revue d’études internationales réalisée sur plusieurs années par Courtenay Harding1 auprès de 2 429 personnes vivant avec la schizophrénie a fait ressortir que de 46 à 84 % d’entre elles avaient connu une baisse significative de leurs symptômes, et que de 21 à 77 % étaient considérées comme socialement rétablies, c’est-à-dire qu’elles remplissaient des rôles significatifs dans la communauté.
Tu te demandes comment cela est-il possible? Premièrement, tu peux y contribuer largement. Comment? En croyant profondément que ton être cher puisse se rétablir. Se rétablir ne se fait jamais seul, l’aide et l’encouragement d’un entourage professionnel, familial et amical qui inspire l’espoir sont essentiels.
Avant de se rétablir la plupart des personnes passent par une période de désespoir, et par ricochet, leur entourage. On énumère ici les principaux éléments qui conduisent à ce désespoir. Tous ces facteurs agissent en interaction les uns avec les autres2.
- La stigmatisation et l’autostigmatisation (intérioriser les préjugés à l’égard d’un trouble de santé mentale)
- La discrimination sous forme de distanciation sociale et d’interactions négatives avec l’entourage (amis, professionnels, famille)
- La solitude
- L’impuissance
- La perte de liens avec les autres, et la perte de contact avec soi-même
- L’insatisfaction vis-à-vis des services
- Une expérience négative de traitement (effets secondaires, professionnels qui ne croient pas au rétablissement, etc.)
- La consommation de substances
- L’absence de demande d’aide
- Le secret
- La honte
Pour passer du désespoir à l’espoir, une série de facteurs sont importants à considérer, dont avoir accès aux éléments énumérés ci-dessous.
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ressources de base
logement, nourriture, revenu, soins de santé
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activités et rôles significatifs
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soutien social
pas seulement en recevoir, mais pouvoir en donner
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relations avec des professionnels
orientés vers le rétablissement
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soins collaboratifs et centrés sur la personne
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pairs aidants
qui ont vécu le rétablissement et qui peuvent ainsi servir de modèle
Tout ceci implique par ailleurs l’acquisition de compétences de bien-être (adopter de saines habitudes de vie), d’accepter le trouble mental comme faisant partie de sa vie et avec lequel on doit composer (attention, ceci ne veut pas dire résignation!). Il importe également que la personne prenne conscience de la responsabilité qui lui incombe dans son processus de rétablissement. Cette responsabilité personnelle représente la motivation, la volonté et l’habileté à faire des choix qui contribuent à son rétablissement et non qui l’entravent. Cette motivation peut être renforcée par l’attitude positive de l’entourage de la personne, et les possibilités qui se dressent devant elle.
Les conditions essentielles au rétablissement
Une série d’éléments sont centraux pour se rétablir : maintenir l’espoir, recouvrer une identité positive de soi, découvrir le sens de sa vie entre autres par l’élaboration d’un projet de vie significatif. Dans cette optique, Dell et ses collaborateurs le définissent ainsi : « Le rétablissement est un processus de transformation d’un sens de soi négatif à un sens de soi positif » (Dell et al., 2021, p. 248). Chaque personne a un parcours unique, tout comme sa famille, mais se rétablir dépend d’une série de facteurs d’aide sans lesquels le risque de vivre de l’isolement et du découragement est grand.
Le rétablissement n’est donc possible que si la personne a accès à des facteurs de l’environnement qui vont le faire émerger : des services, des programmes, des outils, des possibilités d’emploi, de retour aux études, etc. On oublie souvent que la communauté est une oasis de ressources vers laquelle on peut se tourner pour obtenir de l’aide qu’il faut savoir accepter. C’est aussi vrai pour les membres de la famille qui ont besoin d’avoir accès à des ressources et des services, et de prime importance, d’être assurés de la collaboration de la part des professionnels qui interviennent auprès d’un des leurs.
La collaboration des professionnels avec la famille comme facteur aidant au rétablissement
Qu’entend-on par collaboration? Avant tout, des attitudes de soutien et d’empathie, le partage d’informations concernant le trouble de santé mentale, la reconnaissance du rôle des proches à titre de ressource indispensable pour leur être cher ainsi que la réponse à leurs préoccupations. L’approche de collaboration correspond donc à l’engagement conjoint des professionnels, de la personne vivant avec le trouble de santé mentale et des familles où la voix de chacun sera valorisée et entendue.3
Par exemple, Harriet Lefley, une mère, chercheuse, et aussi l’une des cofondateurs du mouvement des familles aux États-Unis, la NAMI (National Alliance for Mental Illness), avec de nombreux autres auteurs ayant contribué à l’avancement des connaissances sur le rôle des familles dans le rétablissement, ont fait ressortir l’importance de prendre en considération la capacité des familles à composer avec ce trouble. Pour ce faire, elles ont besoin d’avoir accès à des ressources leur étant disponibles, mais aussi que les professionnels soient ouverts à collaborer avec elles en leur offrant de l’information sur la situation de leur enfant et en respectant que les parents sont des personnes intelligentes en mesure de bénéficier de cette information4. On ne saurait trop insister sur le rôle central de cette collaboration entre les professionnels et les familles pour bien composer avec la situation.
À ce sujet tu es tout en fait en droit de t'affirmer pour que ton opinion soit prise en compte. Il faut noter par ailleurs, que de plus en plus d’établissements au Québec adhèrent au principe du rétablissement et de ce fait sont plus ouverts à collaborer avec les familles. Une collaboration soutenue entre les familles et les professionnels, axée sur le rétablissement, peut aider grandement à ce que tous sortent du « modèle protectionniste » qu’on a tendance à adopter lorsqu’on sent la vulnérabilité d’un des nôtres. Mais croire au rétablissement peut aider à faire passer la personne du statut de « patient » à celui de « personne valable et de citoyen actif ».5
Peut-on parler de rétablissement pour la famille?
L'entourage traversera probablement une série d’étapes allant du déni à l’affirmation de ses droits6. Souvent l'entourage a expérimenté de la stigmatisation reliée au trouble de santé mentale de leur être cher. Certains, tout comme la personne qu’ils accompagnent, ont coupé les ponts avec des gens de leur entourage. L'entourage a également à se rétablir de sentiments de culpabilité, de honte, et de la façon qu’il a parfois été traité par le système de soins, etc.
On caractérise le rétablissement familial « comme un processus multidimensionnel (émotionnel, physique, social, professionnel et spirituel) d’acceptation [du trouble de santé mentale] (consolidation) et d’adaptation à celui-ci (transformation) »7
Quatre étapes dans le rétablissement familial ont été déterminées :
Quatre étapes
dans le rétablissement familial ont été déterminées :
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La découverte / le déni
la réponse initiale des familles peut varier de la minimisation de l’importance du trouble (« Ce n’est pas si sérieux » à un déni « C’est juste une étape de l’adolescence ou « C’est lié à sa consommation de drogues »). Le fait de ne pas recevoir de l’information, ou une information inadéquate de la part des professionnels sur ce qui se passe, peut aggraver la situation. On décrit également cette étape comme étant un sentiment d’incrédulité.
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Reconnaissance / acceptation
lorsque les familles deviennent conscientes du sérieux de la situation, elles peuvent ressentir des sentiments de culpabilité, de gêne, et de blâme. En reconnaissant la réalité du trouble de santé mentale, elles éprouvent un profond sentiment de perte. Ce sentiment est parfois accentué par la nature cyclique de la présence ou de l’absence de symptômes qui peut alors provoquer des montagnes russes d’espoirs répétés suivis de déceptions.
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Composer avec la situation / compétence
avec une plus grande compréhension de la situation émanant de leur expérience, et éventuellement un sentiment d’acceptation, la plupart des familles trouvent des ressources pour composer avec la situation. Les stratégies qu’elles utilisent peuvent être efficaces ou non. Mais une variété de stratégies efficaces sont disponibles pour aider les familles à mieux composer avec la situation et à devenir compétentes dans leur intervention en cas de crise, etc.
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Affirmation de ses droits (personnelle / politique)
lorsque les familles ont appris à accepter et à composer avec la situation reliée au trouble de santé mentale du membre de leur entourage, certaines d’entre elles peuvent se rendre à cette étape de revendication de leurs droits sur le plan personnel, mais aussi sur le plan politique. Ainsi elles peuvent influencer la manière dont le système de santé mentale répond aux besoins de leur être cher, mais aussi à leurs propres besoins. Ces efforts d’affirmation des droits sont souvent portés par des groupes tels que CAP santé mentale.
À retenir
Ce qu’il faut retenir de ce texte, c’est que le rétablissement de ton être cher est possible, et que par ricochet, cela exercera une influence positive sur ton bien-être. On reconnait de plus en plus le rôle important de l'entourage dans le rétablissement de la personne qu’il accompagne. Par exemple, le ministère québécois de la Santé et des Services sociaux (MSSS) reconnait le rôle d’accompagnateur des familles tout au long du processus de rétablissement d’un membre de leur entourage qui présente un trouble de santé mentale, car elles sont souvent leur principale source de soutien. Mais les familles ont également à se rétablir de sentiments qu’elles ont ressentis à travers les diverses étapes que traverse cette personne. On parle à ce moment de rétablissement familial.
Tu auras également besoin d’aide de ton entourage pour pouvoir prendre soin de toi et ainsi accompagner ton être cher dans son rétablissement. Bien outillés, les proches peuvent soutenir le rétablissement de l’autre de manière très positive et satisfaisante. Cependant, sans soutien, la détresse de l’un peut s’entremêler avec celle de l’autre. Ce faisant, plus la dynamique familiale ou amicale est explosive, plus il est important de lui porter attention, car l’ignorer va à l’encontre du processus de rétablissement.
Télécharge l’aide mémoire sur le rétablissement réalisé par le Centre d’études sur la réadaptation, le rétablissement et l’insertion sociale et le Centre national d’excellence en santé mentale (CÉRISS-CNESM).
Sources et notes
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1 Harding, C.M. (2005). Changes in schizophrenia across time: Paradoxes, patterns, and predictors. Dans L. Davidson, C. Harding et L. Spaniol (dir.), Recovery from severe mental illnesses: Research evidence and implications for practice. Vol. 1 (p. 27-48). Boston Center for Psychiatric Rehabilitation.
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2 Ces facteurs de désespoir et d’espoir ont été établis par des chercheurs qui ont fait un résumé de plusieurs études impliquant des milliers de personnes directement concernées par les services de santé mentale. Source : Dell, N.A., Long, C. et Mancini, M.A. (2021). Models of mental health recovery: An overview of systematic reviews and qualitative meta-syntheses. Psychiatric Rehabilitation Journal, 44(3), 238 253.
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3 Morin, M.-H. et St-Onge, M. (2019). L’intervention familiale dans la pratique du travail social en santé mentale. Dans C. Bergeron-Leclerc, M.-H. Morin, B. Dallaire et C. Cormier (dir.), La pratique du travail social en santé mentale. Apprendre, comprendre, s’engager (p. 161-186). Presses de l’Université du Québec.
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4 Hatfield, H.P. et D.L. Johnson (1990) (dir.). Families as allies in treatment of the mentally ill. New directions for mental health professionals. American Psychiatric Press.
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5 Lamarre, S. et Pelletier, J. (2012). L’intervention en situation de crise favorisant le processus de rétablissement. Dans M. Séguin, A. Brunet et L. Leblanc (dir.), Intervention en situation de crise et en contexte traumatique, 2e éd. (p. 192-213). Gaëtan Morin Éditeur.
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6 Pratt, C.W., Gill, K.J., Barrett, N. M. et Roberts, M.N. (2014). The role of the family in psychiatric rehabilitation, dans Psychiatric rehabilitation (3e éd.) (p. 405-432). Elsevier.
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7 Spaniol (2009, dans Pratt et al., 2014), op. cit.
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8 Ministère de la Santé et des Services sociaux (2015). Ensemble et autrement. Plan d’action en santé mentale 2015-2020. Les Publications du Québec.
Ensemble et autrement. Plan d’action en santé mentale 2015-2020
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