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Mettre ses limites

  • 10 min

Lorsqu’on accompagne une personne qui vit avec un trouble mental, on peut avoir tendance à vouloir trop en faire et à s'épuiser. Il est donc important de savoir mettre ses limites.

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Lorsqu’on accompagne une personne qui vit avec un trouble mental, on peut avoir tendance à vouloir tout faire pour la soutenir ou même « la sauver », au risque d’oublier notre propre santé. La majorité des proches expriment cet élan de vouloir tout donner pour la personne qui rencontrent des défis au risque de dépasser ses propres limites.

Avec l’expérience, ces proches se rendent vite compte qu’il est essentiel de mettre leurs limites pour pouvoir accompagner la personne de façon efficace dans son rétablissement à long terme : il est impossible d’être présent pour l’autre si vous êtes complètement épuisés et dépassés. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il peut être difficile d’apprendre à mettre ses limites! La bonne, c’est que ça s’apprend!

Ce texte vous accompagne dans cette réflexion en vous aidant à comprendre l’importance de mettre vos limites, en redéfinissant ce qu’elles représentent et en vous proposant des étapes concrètes pour y parvenir.

L'importance des limites

Notons d’emblée qu’il est important d’être convaincu que mettre ses limites est capital avant de se lancer, parce que tel que mentionné auparavant, ce n’est pas nécessairement un chemin facile. Cependant, sachez que ça ne sera jamais autant difficile que de vivre une vie à contre-courant, sans respecter vos valeurs et vos propres besoins. Comme le mentionne l’auteur et thérapeute Prentis Hemphill : « Les frontières sont la distance à laquelle je peux t'aimer et m'aimer en même temps ». Ainsi, mettre ses limites est une façon de prendre soin de soi, mais également prendre soin de votre être cher et de votre relation.

  • Prendre soin de soi

    Prendre soin de vous-même est essentiel. Apprendre à mettre vos limites est une forme de bien-être indispensable pour mener une vie satisfaisante et éviter la détérioration de votre propre santé. En respectant vos limites, vous vous assurez de rester en harmonie avec vous-même, ce qui est crucial pour votre équilibre émotionnel et mental.

  • Prendre soin de la relation

    En posant des limites claires, vous pouvez mieux accompagner votre être cher. C'est l'une des stratégies essentielles pour prévenir l’usure de compassion, un phénomène où le stress et la fatigue liés au rôle d’accompagnateur s'accumulent pour créer cette usure. En vous protégeant, vous protégez également la relation, permettant ainsi une interaction plus saine et durable.

  • Prendre soin de l’autre

    Mettre des limites peut également aider la personne que vous accompagnez à diminuer son anxiété, car grâce à des attentes claires et cohérentes, vous créez un environnement plus stable et prévisible. La personne sait à quoi s'en tenir, ce qui peut réduire son stress et favoriser un climat de confiance et de sécurité.

Lorsqu’on parle de vos propres limites, il est tout aussi crucial d’apprendre à respecter celles de votre être cher. Parfois, lorsqu’une personne vit avec un trouble mental, on pense mieux savoir qu’elle ce dont elle a besoin. Même si vous pouvez négocier avec cette dernière, il est important de garder en tête que si vous voulez vous sentir respecté dans vos limites, il importe de respecter celles des autres également (ça non plus, ce n’est pas facile!). Vous pouvez aider votre être cher à exprimer ses limites en demandant s’il se sent bien lorsque vous négociez une telle situation.

« Il m'a fallu atteindre le bout du rouleau pour comprendre l'importance de mettre des limites avec ma fille, Sarah, qui vit avec un trouble des conduites alimentaires et des problèmes de toxicomanie. J'étais tellement épuisée que j'avais perdu toute compassion envers elle, la personne que j'aime le plus au monde! Ma famille ne me reconnaissait plus! Une intervenante de l’organisme pour proches de ma région m’a aidé à reconnaître que j’avais besoin de mettre certaines limites. Bien que ce fût très difficile au début, instaurer ces limites a en réalité renforcé notre relation. Au fil du temps, ma fille a compris que moi aussi j'étais une personne avec mes propres difficultés et mes propres besoins. Elle a commencé à me respecter davantage, réalisant que mes limites n'étaient pas une barrière contre elle, mais un moyen de prendre soin de moi pour mieux être là pour elle. Aujourd'hui, elle sait que je serai toujours présente pour elle, mais dans des conditions où je suis capable de lui offrir un soutien authentique et sincère. »

Définir les limites

Établir ses limites, c’est de placer une frontière saine entre vous et votre être cher pour préserver une bonne santé physique, mentale ou émotionnelle. Plusieurs pensent que de mettre ses limites avec une personne qui vit des difficultés est égoïste et que ça risque de briser la relation qu’on a avec elle. Pourtant, c’est tout le contraire! Nous ne le répèterons jamais assez : à moins d’une situation extrême, mettre ses limites ne consiste pas à abandonner la personne qu’on aime, mais plutôt une façon de prendre soin de la relation qu’on a avec celle-ci.

De façon plus concrète, établir des limites avec une personne qu’on accompagne peut se traduire de plusieurs façons. En effet, il y a autant de situations qu’il y a de proches! Pour vous donner une meilleure idée, voici des exemples de trois proches qui ont établi des limites avec la personne qu’ils accompagnent :

« Mon ami Luc vit avec un trouble d’anxiété généralisée et il pouvait m’appeler plus de 10 fois par jour pour se faire rassurer. J’ai dû lui faire part de limiter le nombre d'appels quotidiens qu’il me faisait, car je ne me sentais pas respectée. J’ai expliqué à Luc mon besoin de temps personnel et d'espace. Ensuite, nous avons déterminé une règle claire: un appel par jour en soirée entre 16 h et 18 h, sauf en cas d'urgence. Maintenant, je suis en mesure d’être plus présente et attentive lors de nos conversations. »

« Ma conjointe Audrey vit avec un trouble bipolaire. Nous sommes en couple depuis quelques années et dernièrement, Audrey vivait plus de colère et a commencé à m’injurier lors de nos disputes. Je lui ai expliqué que ces mots me blessaient profondément et nuisaient à notre relation. Elle a accepté de venir en discuter avec un thérapeute conjugal. Avec son aide, nous avons convenu d'éviter les insultes et de choisir des mots respectueux, même en cas de désaccord. Pour y parvenir, nous avons instauré une règle: si l'un de nous utilisait une insulte, nous devions prendre une pause pour nous calmer avant de continuer la discussion. Cette limite a amélioré notre communication et a renforcé notre respect mutuel. »

« J'ai dû limiter l'argent que je donnais à mon frère Pierre qui vit avec un trouble d'abus de substances. Je lui ai expliqué que je ne pouvais plus continuer à le soutenir de cette manière, car je devais avant tout penser à mes enfants et à mon conjoint. Je continue de l’aider en lui payant une épicerie une fois par mois. Cela a été très difficile au début et il a refusé de me parler pendant plusieurs mois. Cependant, lorsqu’il a vu que je maintenais ma décision il a accepté l’aide que je lui offrais tout en s’adaptant. J'ai pu lui montrer que je l'aimais et que je voulais vraiment qu'il s'en sorte. Cette décision a été difficile, mais elle a été essentielle pour sauver la relation avec mon frère. »

Mettre ses limites en trois étapes

C’est beau de comprendre ce que sont les limites, mais si on ne met pas cela en pratique, c’est complètement inutile! Nous vous proposons trois étapes « faciles » pour établir vos limites. Cependant, nous pouvons vous le dire par expérience : plus vous allez le pratiquer, plus ça deviendra facile pour vous et votre être cher de comprendre et d’accepter ces limites.

1. Cibler la situation où des limites s’imposent

Une étape importante est de cibler dans quelle situation vous souhaitez établir des limites. Il peut s’agir d’une seule situation ou de plusieurs. Nous avons vu en effet que toutes sortes de situations sont possibles où des limites doivent être établies : celles concernant l’espace personnel, le temps, les émotions et les pensées, le matériel ou autres. Il faut vous arrêter et avoir un moment d’honnêteté avec vous-mêmes pour voir ce dont VOUS avez besoin. Vous pouvez même écrire ces situations et les limites pour bien les garder en tête. 

« Lorsque ma fille est revenue habiter avec moi après son hospitalisation, j’ai vite dû apprendre à mettre mes limites pour protéger ma propre santé. Je ne me sentais pas toujours respectée : elle voulait toujours que je lui donne de l’argent et me téléphonait plusieurs fois par jour lorsque j’étais au travail pour me parler de ses problèmes. J’ai dû réfléchir à quelles limites je souhaitais mettre et m’asseoir avec elle pour en discuter. »

2. Communiquer les limites

Une fois qu’on les a ciblées, on doit partager nos limites. La communication ouverte et honnête est toujours une bonne solution. Exprimez vos besoins et limites de manière claire et respectueuse. Si vous ne savez pas par où commencer, essayez de parler au « je » et de rester centré sur vos propres besoins.  Un exemple pourrait être : 
Je me sens ___ quand ___ parce que ___. Ce que j’ai de besoin, c’est que ___.

Assurez-vous également d'écouter activement les besoins et les préoccupations de votre être cher, en cherchant des compromis lorsque cela est possible. 

« Lorsque je lui ai annoncé que je ne lui donnerais plus d’argent, je lui ai quand même spécifié qu’elle pouvait continuer de vivre chez moi. Au début, elle s’est sentie rejetée et n’a pas très bien réagi : elle a menacé de couper les ponts avec moi. Après avoir pris une pause, elle est revenue plus calme et a exprimé sa crainte de ne pas avoir d’argent pour la nourriture. Nous avons convenu que je m’occuperais des dépenses de base pour la nourriture pour les prochaines semaines, le temps qu’elle trouve un soutien financier approprié. »

3. Maintenir les limites

C’est sûrement l’étape la plus difficile! Une fois qu’on l’a exprimé, il est nécessaire de maintenir ses limites dans les situations qui en requièrent. Il est normal de se sentir coupable ou stressé de dire non à la personne que vous accompagnez, mais rappelez-vous que votre bien-être est tout aussi important que le sien. Pratiquez l'autocompassion et rappelez-vous que dire non est parfois la meilleure chose que vous puissiez faire pour vous-mêmes et pour votre être cher. D’ailleurs, à long terme, avoir un cadre clair pourra même l’aider à diminuer son anxiété : c’est rassurant de savoir où s’en tenir.

« En voyant que je conservais ma décision de ne plus lui donner d’argent, tout en prenant soin d’elle, elle s’est attendrie. Aujourd’hui, elle ne me demande plus d’argent, mais elle sait que je suis là pour la soutenir. Ça m’a beaucoup aidé à alléger le fardeau que je ressentais malgré moi! »

Voilà! Maintenant que vous avez appris l’importance des limites, que vous avez défini ce qu’elles sont et que vous vous familiarisez avec les étapes pour les appliquer, il ne vous reste plus qu’à mettre en pratique vos apprentissages. Alors, quelles limites souhaitez-vous appliquer pour vous permettre de mieux prendre soin de vous ET de la personne que vous accompagnez?

Résumé

Sources et notes

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