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Franchir le mur de la confidentialité!

  • 11 min

Vous est-il arrivé qu’un professionnel de la santé mentale refuse de partager de l’information sur votre être cher tout simplement parce que cela serait confidentiel?

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Qu’entend-on par confidentialité des échanges?

Il y a plusieurs années déjà que des études se sont attardées à ce qu’on pourrait nommer « le mur de la confidentialité » comme étant un obstacle à ce que les proches reçoivent une information essentielle à savoir concernant l’état de leur être cher. Il faut bien distinguer ce qui est de l’ordre de la confidentialité de ce qui relève du partage d’information nécessaire pour bien composer avec la situation de son être cher qui a un trouble de santé mentale. 

« L’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne (RLRQ, chapitre C-12) atteste expressément que chacun a droit au respect du secret professionnel et que toute personne tenue au secret professionnel ne peut divulguer les renseignements confidentiels qui lui ont été révélés, à moins d’y être autorisée par celui qui lui a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi »1.

Joanne Létourneau et Sandra Moretti
Ordre des infirmières et infirmiers du Québec

Ce qui peut être considéré comme confidentiel

Voici ce qui peut être considéré confidentiel entre votre être cher recevant des services et un professionnel de la santé mentale concernant des propos échangés entre lui et ce professionnel qu’il ne souhaite pas révéler :

  • des propos personnels et intimes;

  • des détails particuliers sur son état de santé mentale et physique;

  • des informations sur certaines habitudes de vie (nombre de consommations par exemple;)

  • des propos liés à l’histoire familiale.

Mais certains évoquent la confidentialité pour des raisons qui ne sont pas de cet ordre. Ceci est probablement lié à un long historique de relations avec les familles qui reposaient essentiellement sur le rôle d’expert des professionnels de la santé. Pendant des décennies les parents ont été vus comme étant responsables aussi bien de l’émergence que du maintien du trouble de santé mentale de leur enfant, ce qui a contribué à leur mise à l’écart du système de soins. Par ricochet, cette mise à l’écart peut aussi avoir été vécue par les conjoints, les enfants, les amis d’une personne qui vit avec un trouble de santé mentale. Mais heureusement cette vision a évolué au gré des connaissances et de la constatation des effets contreproductifs de cette mise à l’écart des familles.

C’est ainsi qu’au Québec, depuis 2015, le ministère de la Santé et des Services sociaux reconnait le rôle d’accompagnateur aux familles et souhaite mettre en place des outils pour appliquer le principe de partage de l’information entre les familles et les professionnels de la santé mentale.

Quelles informations sont essentielles à connaitre ou à partager avec le personnel professionnel?

  • Des informations générales sur le trouble de santé mentale (comme ce que représente le diagnostic qu’il a reçu, les symptômes, les manifestations, etc. et qui concernent l’ensemble des personnes ayant ce type de diagnostic);
  • des informations générales sur l’état de santé mentale de votre être cher ainsi que son fonctionnement social;
  • ce qu’est le rétablissement et comment il est possible;
  • sa fidélité au traitement médicamenteux;
  • sa présence aux rendez-vous;
  • des observations de signes avant-coureurs de rechute;
  • des propos mettant à risque votre sécurité.

De plus, vous pouvez informer les professionnels des forces et des talents que possède votre être cher, ce qui peut contribuer à lui offrir un meilleur traitement et permettre au personnel de le percevoir autrement que par le biais de sa « maladie ».

Les conditions gagnantes

Vous pouvez cibler les conditions gagnantes pour favoriser un lien de confiance entre vous, votre être cher et les professionnels attitrés à son traitement. Vous pouvez, avec l’accord de votre être cher, vous impliquer activement dans votre rôle d’accompagnateur, tout en respectant les limites de ce qui peut être révélé.

En tenant compte de l’application des principes de confidentialité et de secret professionnel, voici quelques conditions gagnantes pour favoriser votre participation2 :

  • Lorsque la situation le permet, parlez ouvertement à votre être cher de la possibilité de vous impliquer dans le suivi de son traitement.
  • Si votre être cher est d’accord, demandez-lui d’en aviser l’équipe traitante afin que les différents intervenants puissent vous communiquer des informations confidentielles à son sujet (diagnostic, traitement pharmacologique, etc.).
  • Rassurez votre être cher concernant votre degré d’implication en lui précisant que ce qui serait utile pour vous de connaître ce ne sont pas tous les détails de son suivi thérapeutique, mais simplement les principales informations qui vous permettront de bien comprendre son problème, et ce, afin de lui assurer votre soutien dans les différentes étapes de son rétablissement.
  • Pour différentes raisons, il est possible que votre être cher ne soit pas coopératif et qu’il refuse votre aide. Vous pouvez alors faire appel à son principal intervenant pour demander assistance. Il est parfois plus facile qu’une personne extérieure explique à votre être cher l’importance de votre implication.
  • Mentionnez aux divers intervenants de votre être cher que vous comprenez bien les notions de confidentialité et de secret professionnel et qu’à cet égard, vous comprenez leurs réserves. Rappelez-vous qu’ils ne peuvent briser leur engagement professionnel.
  • Facilitez la collecte d’informations en collaborant avec les professionnels, et ce, en fournissant des informations verbales ou écrites sur les comportements et les attitudes de votre être cher. Tentez de cibler le meilleur moment pour le faire en fonction des disponibilités de chacun. Verbalisez vos préoccupations et vos inquiétudes concernant votre rôle d’accompagnateur.
  • Vérifiez si les intervenants ont des attentes précises à votre endroit et indiquez vos limites dans le soutien que vous pouvez offrir à votre être cher (hébergement, implication quotidienne, soutien financier, etc.).

En tout temps, il faut rester calme et positif. Même si votre être cher refuse que les intervenants vous communiquent de l’information le concernant, il peut changer d’avis et donner son consentement en cours de traitement. Il faut respecter le rythme du processus de collaboration.

En résumé, les intervenants sont contraints à respecter la confidentialité et le secret professionnel.

Sauf bien entendu si votre sécurité est compromise. Cependant, rappelez-vous que vous avez le droit de leur transmettre des renseignements pouvant soutenir et faciliter le rétablissement de la personne que vous accompagnez. En somme, il s’agit :

  • de faire appel à la collaboration de votre être cher et de son équipe traitante;

  • de respecter les principes de confidentialité et de secret professionnel;

  • de participer activement au partage d’informations concernant votre être cher;

  • d’établir vos limites à titre d’accompagnateur;

  • d’être patient et de respecter le rythme de votre être cher.

Un protocole d’entente pour le partage d’information

Idéalement, il existerait un protocole d’entente de partage d’informations dans les milieux de soins, avec, au préalable, l’obtention du consentement de votre être cher, qui est essentiel, pour que ce partage se réalise. Par ailleurs ce protocole devrait inclure la responsabilité qui incombe aux professionnels de partager les informations relatives à la possibilité de dangerosité. Par exemple si votre être cher a des pensées suicidaires ou des pensées de vous blesser ou quelqu’un de votre entourage, et qu’il y a un risque de passage à l’acte, ces informations doivent absolument être partagées avec les proches. Il est de prime importance, advenant le cas qu’un professionnel soit témoin que vous deveniez la cible de propos délirants de la part de votre être cher, que sa méfiance augmente à votre égard ou qu’il émet des propos ou des menaces voilées à votre endroit, que vous en soyez informés, et ce, pour élaborer des mesures de protection3.

Concernant ce dernier point, le secret professionnel doit être levé selon l’article 60.4 du Code des professions pour prévenir un acte de violence, dans une situation que l’on juge urgente, et que la personne ou les personnes visées par ces menaces sont identifiables. À ce moment le professionnel se doit de communiquer ce renseignement « à la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou aux personnes susceptibles de leur porter secours »4.

Éléments pouvant faire partie d’un protocole d’entente

Voici des éléments pouvant faire partie d’un protocole d’entente de partage d’informations entre une personne vivant avec un trouble mental, ses proches et les professionnels5 :

  • La nature des informations pouvant être partagées

  • La nature des informations ne pouvant pas être partagées

  • Une clause d’exception

  • La liste des personnes concernées

  • Les conditions à favoriser

  • La durée de validité du protocole d’entente

  • La signature

Pourquoi l’échange d’informations dans le domaine de la santé mentale est si difficile?

Plusieurs ont mis de l’avant les difficultés rencontrées par l'entourage au sujet de l’information essentielle à connaitre lorsqu’il s’agit d’un trouble de santé mentale en l’opposant aux soins de santé physique où on ne se frappe pas à ce « mur de la confidentialité ». Comme cet exemple d’un cardiologue qui a partagé une information à la mère d’une de ses patientes qui était hospitalisée pour un problème d’arythmie cardiaque en lui disant que tout était entré dans l’ordre et que son arythmie était liée à la dose de lithium qu’elle prenait. Est-ce que cette information a violé le droit à la confidentialité de cette personne? Non car sa fille trouvait naturel que l’on informe ses proches qui ont un intérêt vis-à-vis de son bien-être. Aucune poursuite n’a été entamée et la seule conséquence que cela a amenée a été une très forte alliance créée entre les membres de la famille et le médecin traitant6.

Mais à l’unité de psychiatrie où elle fut hospitalisée un peu plus tard, cette mère s’est inquiétée auprès du personnel au sujet de la médication qu’elle prenait qui pouvait peut-être provoquer d’autres difficultés à son cœur. Elle s’est vu répondre qu’aucune information ne pouvait lui être révélée, même pas celle qu’elle soit effectivement hospitalisée à cette unité de psychiatrie!

Est-ce possible que ces difficultés soient liées à des croyances et à des préjugés persistants à l’égard des familles par les professionnels de la santé mentale?

Si c’est le cas, il serait intéressant de promouvoir dans les milieux des soins de santé mentale une perspective axée sur les forces des proches à composer avec, et à comprendre, le trouble de santé mentale de leur être cher. Ceci aurait pour conséquence de les valoriser dans le but de renforcer les facteurs de protection présents dans la famille7. Par conséquent, ces professionnels auraient plus tendance à partager de l’information avec les familles. Mais il est capital de s’assurer du consentement de son être cher, car sans ce consentement la confiance qu’il a à l’égard des professionnels qui le traitent pourrait s’effriter.

Ce consentement pourrait être intégré dans la routine des soins par la signature d’un simple formulaire.

À cet effet des chercheures ont démontré que l’application de ce type de routine a fait en sorte que 90 % des personnes traitées dans des établissements d’un des comtés aux États-Unis étudiés où cette procédure a été systématisée, ont consenti à signer ce formulaire autorisant les membres du personnel à ce que leurs familles soient informées du processus d’intervention8. Il s’agit sans conteste d’une bonne pratique à instaurer dans les milieux de soins. Mais les proches de personnes présentant un trouble de santé mentale souhaitent que ce soit le personnel professionnel qui initie un travail de mobilisation auprès de la personne pour l’obtention de ce consentement9. Pour ce faire, les travailleurs sociaux seraient probablement tout désignés pour agir en tant qu’intermédiaires entre les membres d’une équipe et les familles.

Dans ce texte, nous avons départagé ce qui relève de la confidentialité de ce qui est considéré comme des informations essentielles à partager entre les familles et les professionnels de la santé mentale. N’hésitez pas à vous affirmer devant les professionnels de la santé pour que l’on vous partage certaines de ces informations qui peuvent contribuer à trouver des stratégies pour mieux composer avec le trouble de santé mentale de votre être cher, mais aussi à vous protéger dans le cas où votre sécurité serait menacée.

Il ne faut pas craindre de déranger les professionnels qui interviennent auprès de votre être cher. Vous êtes absolument en droit de recevoir et de partager de l’information concernant son état de santé et le type de traitement qu’il reçoit.

Sources et notes

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