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Comprendre les voix

  • 12 min

Découvrez comment comprendre et accompagner un être cher qui entend des voix. Explorez les méthodes de soutien et les groupes dédiés pour améliorer leur bien-être.

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Est-ce possible de comprendre le sens des voix qu’entend votre être cher? Depuis qu’il a reçu un diagnostic de schizophrénie, vous êtes convaincu que seule une médication antipsychotique pourrait atténuer ou faire cesser ces « symptômes ». Mais éliminer les voix, sans en comprendre le sens, est souvent contre-indiqué, car les personnes créent une relation avec leurs voix et leur disparition peut être vécue de façon dramatique.

Il importe de savoir que ce phénomène ne concerne pas uniquement les personnes vivant avec la schizophrénie et qu’il est assez répandu dans la population générale.

Nous exposons dans ce texte des faits qui nous permettent de croire qu’il est possible de comprendre le sens des voix. Mais pour ce faire il importe de ne plus avoir peur d’en parler avec votre être cher et d’accepter l’aide de votre entourage professionnel, amical, familial.

Parmi cette aide, votre être cher pourrait participer à un des groupes de soutien exclusivement dédiés aux personnes qui entendent des voix et qui ont été mis sur pied depuis plus d’une vingtaine d’années1 dans plusieurs organismes communautaires du Québec, mais aussi dans des établissements publics de santé mentale. Consultez ce lien pour connaitre le groupe situé à proximité de votre domicile.

Doit-on craindre de parler des voix avec les personnes qui en entendent?

Vous croyez qu’on ne devrait pas parler des voix avec les personnes qui ont un trouble de santé mentale? Vous avez entendu dire que la personne pourrait vivre une rechute psychotique si on parle de ses voix avec elle? Nous allons tenter de démystifier ces croyances, car non seulement les voix ont un sens et une origine pour la personne, mais parler de ses voix peut être un exercice libérateur pour elle, mais également pour vous. Bien entendu si la personne est en crise, on attendra un moment plus propice pour échanger avec elle sur le sens de ses voix.

Est-ce un phénomène répandu?

Contrairement à une croyance populaire, un nombre assez important de personnes de la population générale, sans diagnostic, entend des voix. Une vaste compilation d’études incluant plus de 84 000 personnes est arrivée à la conclusion que près de 10 % d’entre elles entend des voix avec une prévalence plus élevée chez les enfants (12,7 %) et les adolescents (12,4 %)2.

Cependant on rencontre une proportion beaucoup plus élevée chez les personnes ayant reçu un diagnostic psychiatrique. Par exemple une étude internationale auprès de plus de 1 000 personnes vivant avec la schizophrénie, a montré une proportion de personnes qui entendent des voix de l’ordre de 74,9 % variant selon le contexte culturel3. Il s’agit par ailleurs du type d’hallucinations le plus fréquent. Les autres formes rencontrées dans cette étude sont visuelles (39,1 %), somatiques, c’est-à-dire dont les sensations sont senties dans le corps (39,1 %), tactiles, olfactives et gustatives (de 1,3 à 6,6 %).

Est-ce que tous les enfants et adolescents entendant des voix développeront une psychose?

Selon la regrettée Sandra Escher, une spécialiste de l’étude des voix chez les enfants et les adolescents, seul un petit nombre d’entre eux développeront un trouble psychotique bien qu’a priori le risque serait plus élevé4. Cette dernière, dans le cadre de ses études doctorales, a suivi 80 jeunes pendant une période de trois ans. Elle a fait ressortir l’importance d’une intervention précoce auprès d’eux, car à la fin de son étude, 60 % des jeunes n’entendaient plus de voix alors que près de la moitié de son échantillon n’était pas suivi par des services de santé mentale5.

Pourquoi?

Parce que dans le cadre de cette intervention précoce, on axait sur l’acceptation des voix comme étant réelles et on explorait les problèmes à l’origine de l’expérience de ces jeunes en la normalisant, c’est-à-dire en leur disant que c’était normal de vivre un tel phénomène après avoir vécu un événement traumatisant, car 86 % d’entre eux avaient vécu un tel événement, et pour certains d’entre eux, plusieurs événements traumatisants.

Un enfant qui entend des voix en contexte scolaire peut indiquer qu’il y a un problème dans ce milieu qu’il est essentiel d’évaluer : vit-il de l’intimidation? Quelles émotions ressent-il par rapport à l’école? de la peur intense, de l’anxiété? Les voix provoquent-elles la même peur6? C’est en posant ce type de questions qu’on pourra par la suite comprendre et valider l’expérience de son enfant.

L’importance d’une réaction calme de l’entourage

Donc l’importance d’une réaction calme de la part de l’entourage prend ici tout son sens. Si vous êtes le parent d’un jeune enfant qui entend des voix, vous pouvez jouer un rôle important pour éviter que cette situation ne s’aggrave : en écoutant votre enfant, en cherchant l’origine de l’apparition des voix avec lui, en restant calme et en normalisant son expérience. Selon Sandra Escher (2012), en considérant l’événement traumatique ou le problème comme étant une cause potentielle de l’apparition des voix, cela permettra à l’enfant de composer avec celles-ci. Alors sa relation avec les voix changera et son développement ne sera plus compromis, c’est-à-dire que le risque de développer une psychose sera d’autant réduit.

Il ne faut pas confondre par ailleurs le phénomène des voix chez les enfants avec l’ami imaginaire que certains se créent. L’ami imaginaire fait partie du développement normal des enfants.

Bien entendu si votre être cher a commencé à entendre des voix à un âge plus avancé alors qu’il vit un épisode de désorganisation psychotique, une consultation médicale ou professionnelle est nécessaire.

Entendre des voix concerne-t-il uniquement les personnes vivant avec un trouble psychotique?

On croit à tort que seules les personnes expérimentant une psychose ou ayant un diagnostic de schizophrénie entendent des voix. Mais des études récentes ont montré que ce phénomène existe pour d’autres types de troubles psychiques et même, comme on l’a mentionné plus haut, chez des personnes n’ayant aucun diagnostic7. Selon Paulik et al. (2019), les diagnostics les plus communs où des hallucinations auditives (HA) sont présentes incluent le trouble de stress post-traumatique, certains troubles de la personnalité, dont le trouble de la personnalité limite, le trouble bipolaire, les troubles des conduites alimentaires, mais aussi des conditions neurologiques comme la maladie d’Alzheimer.

Par exemple des chercheurs ont comparé des personnes ayant un trouble schizophrénique à d’autres présentant un trouble de la personnalité limite qui entendent des voix et ils ont démontré que leur expérience était similaire8.

La raison est que les HA ont été traditionnellement largement étudiées chez des personnes présentant un trouble schizophrénique parce qu’une des caractéristiques de ce trouble est justement le fait d’expérimenter des HA. Alors la majorité des chercheurs et des cliniciens se sont attardés uniquement sur cette condition sans investiguer cette possibilité pour d’autres troubles psychiques ou encore de les considérer comme des pseudo-hallucinations.

Par ailleurs les voix sont persistantes malgré la prise de médicaments antipsychotiques, ce serait le cas de 25 à 50 % des personnes9. Aleman et Larøi (2009) mentionnent que les effets spécifiques de ce type de médicament pour le traitement des HA ne sont pas très clairs. Il faut aussi être prudent concernant les jeunes et les adolescents dont les symptômes psychotiques cessent en général sans médication.

C’est pour cette raison que des équipes de chercheurs et cliniciens, surtout en Angleterre, ont mis au point il y a quelques décennies des interventions psychologiques d’inspiration cognitiviste adaptées aux personnes vivant avec un trouble schizophrénique et réfractaires à ce type de médicaments10.

Ces interventions se sont révélées efficaces, et à la lumière de ces résultats, on s’intéresse de plus en plus à des interventions psychologiques pour aider les personnes qui entendent des voix à composer avec ces voix et à en comprendre le sens.

Certaines interventions développées récemment sont d’ailleurs spécifiques aux voix sans égard au diagnostic11. C’est-à-dire qu’elles ne sont plus considérées strictement comme des symptômes psychotiques, mais comme une expérience pouvant causer en soi de la détresse et porter atteinte au fonctionnement social de la personne et pour laquelle il importe d’intervenir. C’est pourquoi dans la majorité des écrits récents on ne parle plus de HA, mais de voix.

Quels types de voix votre être cher est-il susceptible d’entendre?

Les voix ont plusieurs caractéristiques, mais nous traitons dans ce texte uniquement de celles reliées aux croyances que les personnes entretiennent avec leurs voix, qui sont de quatre ordres12 :

  • leur identité : connue ou inconnue
  • leur visée : malveillante ou bienveillante
  • le pouvoir qu’on leur accorde
  • les conséquences de leur obéir ou leur désobéir
  • L’identité des voix

  • Leur visée

  • Le pouvoir des voix

  • Les conséquences de leur obéir ou leur désobéir

Ces croyances existent parce que les personnes n’interprètent pas leurs voix comme résultant de leurs propres pensées, mais les attribuent à d’autres personnes18. Dans ce contexte on peut considérer que les mêmes dynamiques des relations avec son entourage jouent dans les relations que les personnes ont avec leurs voix. « Ainsi, ces croyances reflètent une dynamique interpersonnelle qui peut être empreinte de bienveillance (des encouragements, des compliments) ou encore de malveillance (des injures, des critiques) comme dans les relations avec l’entourage que chacun d’entre nous vit »19.

En résumé

  • Il est important d’échanger avec votre être cher qui entend des voix sur sa réalité, il ne faut pas avoir peur de le faire, car la peur ne fait qu’amplifier la détresse des uns et des autres.
  • Parler des voix peut être un exercice libérateur pour votre être cher, mais également pour vous. Plusieurs recherches ont montré que parler des voix ne provoque pas de rechute psychotique.
  • Environ 10 % de la population générale entend des voix avec une proportion plus élevée chez les enfants et adolescents.
  • Une intervention précoce en validant l’expérience des enfants et des adolescents qui entendent des voix permettra de ne pas compromettre leur développement.
  • Mais si ces voix apparaissent lors d’une crise psychotique à l’âge adulte, il est très important de consulter.
  • Ce phénomène n’est pas exclusif aux personnes vivant avec la schizophrénie.
  • Les voix ont plusieurs caractéristiques, dont celles reliées à des croyances qui nous permettent d’en comprendre le sens.
  • Il existe plusieurs manières d’aider votre être cher qui entend des voix à accepter son expérience comme étant réelle et ainsi contribuer à son rétablissement.

Maintenant que vous comprenez davantage le sens des voix qu'entend votre être cher, nous vous invitons à poursuivre votre démarche en consultant le texte sur les stratégies efficaces pour composer avec les voix. Cela vous permettra de développer des stratégies pour mieux accompagner votre être cher au quotidien tout en vous sentant mieux outillé pour le comprendre.

Sources et notes

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