L’approche orientée vers les forces
L’approche orientée vers les forces
Découvrez l’approche orientée vers les forces en santé mentale qui favorise le rétablissement de la personne en la plaçant au centre du processus d'intervention.
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Nous sommes habitués à ne parler que des difficultés reliées au fait de vivre avec un trouble de santé mentale. Sans minimiser ces difficultés, il importe de travailler à potentialiser les forces que chacun possède incluant bien entendu celles de votre être cher. Pour ce faire, on prend en considération les forces de la personne, mais aussi celles de l’environnement qui l’entoure pour inscrire celle-ci dans ce que l’on nomme un créneau habilitant où elle pourra réaliser ses compétences et ses aspirations.
Quels sont les principes de cette approche?
Les concepteurs de cette approche appliquée à la santé mentale, Charles Rapp, Ronna Chamberlain et Richard Goscha1 de l’Université du Kansas aux États-Unis traitent de six principes.
Toutes les personnes ayant un trouble de santé mentale ont la capacité de se rétablir et de transformer leur vie
Pour pouvoir se rétablir, le rôle de soutien de l’entourage professionnel, familial et amical est essentiel. Le travail des professionnels consiste principalement à créer les conditions gagnantes pour que la personne puisse faire un « pas de plus » vers son rétablissement. Dans cette perspective, le professionnel est un catalyseur du processus de changement, mais pas celui qui dirige le processus.
L’accent est mis sur les forces individuelles plutôt que sur la pathologie
Cela ne veut pas dire qu’on nie les problèmes, mais qu’on leur donne un rôle secondaire au lieu d’un rôle principal. Les difficultés rencontrées sont perçues comme des sources de défis et des possibilités. Dans cette optique, il est important de passer d’un sens négatif de soi à un sens positif de soi2. Par exemple passer de pensées comme « je ne suis qu’un échec » à « je suis capable de réaliser un rêve ». Ainsi votre être cher sera plus motivé à faire le « pas de plus » nécessaire.
La communauté est une oasis de ressources
L’approche s’appuie sur le fait qu’il est essentiel d’évaluer les forces individuelles et environnementales. Il s’agit d’une condition sine qua non à son utilisation. Sans l’aide de ressources de l’environnement, il n’est pas possible de se rétablir. Par ailleurs il ne faut pas minimiser la volonté de personnes de la communauté à offrir leur aide. C’est au sein d’un créneau habilitant dans la communauté que les forces de votre être cher pourront être déployées de façon optimale. C’est-à-dire dans un milieu que l’on dit normalisant : un travail sur le marché régulier de l’emploi, un retour aux études, etc. Cela n’exclut absolument en rien à ce que votre être cher reçoive des soins de santé de qualité dans le réseau de la santé et des services sociaux. Par ailleurs certains professionnels du réseau public et communautaire au Québec ont été formés à cette approche.
Les créneaux habilitants
Ce sont des endroits fréquentés par tous pour obtenir du soutien et être validé; des endroits où il est possible de développer ses aptitudes et ses talents.
Les créneaux contraignants
Au contraire des créneaux habilitants, ce type de créneaux consiste en des endroits où les personnes ont peu de chances de développer leurs talents et où elles risquent d’être stigmatisées. Des endroits où il n’est pas favorisé de faire « un pas de plus » pour se rétablir. Par exemple des milieux où les personnes réalisent des activités peu stimulantes, loin de leurs compétences et de leurs souhaits.
La personne est au cœur du processus d’intervention
La personne fait partie intégrante de toutes les étapes du processus clinique relié à cette approche que nous traitons un peu plus loin.
L’alliance de travail entre le professionnel et la personne constitue un outil essentiel à la réussite du processus
Dans cette approche, le professionnel n’est pas le seul à posséder les compétences, l’expérience et le jugement. Ce professionnel travaille en étroite collaboration avec la personne qui en est le maitre d’œuvre. Il encourage également la collaboration avec les proches significatifs de cette personne.
La communauté est un lieu d’entraide privilégié pour l’intervention
On insiste dans cette approche à réaliser les rencontres dans la communauté (au domicile de la personne, dans un café, etc.). Cela est moins stigmatisant et permet de découvrir des talents que la personne possède; par exemple de constater les talents de peintre, des intérêts pour la musique lorsqu’on la rencontre à son domicile, etc.
Les comportements qui peuvent encourager une personne à potentialiser ses forces et ses talents
Nous vous présentons quelques comportements qui induisent l’espoir chez les personnes qui vivent avec un trouble de santé mentale et que les professionnels adoptent ou devraient introduire dans le cadre de leurs interventions. L’engagement à adopter de tels comportements dans sa pratique permet aux professionnels de focaliser sur les forces des personnes, de célébrer leurs accomplissements et de les aider à réaliser les buts qui sont importants pour elles, et idéalement de promouvoir un futur en dehors du système de santé mentale, par exemple en aidant la personne à obtenir un emploi dans le marché régulier du travail3.
- Communiquer « je crois en vous » et « je suis avec vous ».
- Donner des commentaires encourageants et positifs.
- Accepter la personne à travers ses succès et ses échecs, célébrer ses efforts.
- Soutenir les décisions et les choix de la personne en l’aidant à les accomplir plutôt que de minimiser ou rejeter ses choix et désirs.
- Parler du futur de façon positive plutôt que de s’attarder au passé et aux échecs.
- Rappeler à la personne ses succès passés dans les périodes plus difficiles.
- Aider la personne à accomplir ses buts en les divisant en étapes réalisables, en déterminant avec elle les appuis nécessaires à leur réalisation.
- Célébrer les accomplissements et les succès, particulièrement les petits.
- Travailler sur les objectifs en visant l’autosuffisance de la personne (obtenir un emploi rémunéré, étudier, etc.).
- Inclure la personne par rapport à toutes les décisions et échanges en lien avec son traitement ou l’intervention.
- Éduquer les membres de la famille pour qu’ils puissent développer une relation constructive avec la personne, appuyée sur une meilleure compréhension de la situation.
- Communiquer à la personne qu’elle n’aura pas besoin de services toute sa vie (qu’elle pourra obtenir un emploi, etc.).
Les cinq étapes du processus clinique de l’approche axée sur les forces
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1. L’engagement dans la relation
Comme pour toutes formes d’intervention, la création d’une alliance de travail4 est préalable aux autres étapes dans ce processus. La philosophie à la base de cette approche rend la relation d’aide complètement transformée : elle est dirigée par la personne, elle est fondée sur une recherche collaborative de solutions et s’appuie sur des qualités comme la réciprocité des échanges pour favoriser le développement du pouvoir d’agir de la personne.
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2. L’évaluation des forces personnelles et environnementales
Pour que la personne puisse potentialiser ses forces, il est impératif qu’il y ait une correspondance entre les forces individuelles (compétences, aspirations) et environnementales (ressources, relations, possibilités). Par exemple si une personne a des aspirations artistiques, on verra à lui offrir la possibilité de les réaliser dans la communauté (exposer ses œuvres dans une galerie d’art, etc.). L’évaluation des forces inclut plusieurs dimensions et domaines de vie et s’attarde aux éléments actuels, passés et ceux qui sont souhaités par la personne. La détermination des priorités de la personne complète cette réflexion. L’évaluation peut se faire sur plusieurs rencontres. À noter que les forces ne représentent pas des qualités (gentillesse…), mais des compétences que la personne possède (sait réparer des voitures, peindre des toiles, etc.).
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3. Le plan d’action personnel de rétablissement
Pour cette étape, on décortique en petites étapes facilement réalisables ce dont la personne a besoin pour atteindre le but qu’elle s’est fixé (obtenir un emploi ou un logement par exemple). L’accent est alors placé sur des actions précises afin de générer graduellement le changement et maximiser les chances de succès. La plupart des actions sont réalisées par la personne, avec l’aide de membres de son entourage. Mais parfois un professionnel accompagnera la personne dans ses démarches.
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4. L’acquisition de ressources dans la communauté
Le but dans cette étape est d’inscrire la personne dans un créneau habilitant de la communauté à l’extérieur du réseau formel de services. Alors on cherchera à trouver la ressource et maintenir la personne dans cette ressource.
- Dans un premier temps, on verra à la disponibilité de la ressource. Par exemple si votre être cher souhaite travailler dans le domaine de la restauration, on vérifiera si des programmes de formation continue existent dans les écoles secondaires locales ou encore on veillera à trouver un restaurateur prêt à l’accueillir à son restaurant en retour d’une formation pratique rémunérée.
- Il est aussi important de vérifier l’accessibilité de cette ressource. Est-elle desservie par du transport en commun? A-t-on des attentes qui mettraient un frein à une intégration réussie (exiger un stage non rémunéré avant l’obtention d’un emploi par exemple).
- La ressource peut-elle accommoder la personne en cas de besoin? Il est fréquent qu’une personne vivant avec un trouble de santé mentale ait besoin d’accommodation (travailler à temps partiel, bénéficier de l’appui d’un mentor, avoir un horaire variable, avoir accès à un pair aidant, etc.). Il est donc important de s’assurer que la ressource est ouverte à offrir de telles accommodations. Parfois cela exige que le professionnel éduque et soutienne la personne responsable du milieu visé.
- L’adéquation de la ressource. Répond-elle aux besoins de chacune des personnes? Autrement dit, correspond-elle à une relation « gagnant-gagnant »? Votre être cher pourra-t-il y trouver un sentiment d’accomplissement et de satisfaction? Est-ce que l’environnement de travail lui permet d’utiliser ses talents uniques et ses habiletés?
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5. Le retrait progressif et la collaboration continue
Cette ultime étape se fait de façon continue durant tout le processus. Mais un accent particulier doit être placé à l’approche de la fin de l’intervention en soulignant par exemple les réussites et les compétences de la personne pour qu’elle ait confiance pour la suite. Il s’agit d’une période de transition. Le professionnel remplace progressivement son soutien par celui des ressources naturelles présentes autour de la personne. Il renforce son autonomie pour qu’elle se sente à l’aise de poursuivre sans lui.
Comment placer un accent sur les forces de mon être cher et sur les miennes?
Nous avons été habitués, tant chez les professionnels que chez l'entourage, à se centrer sur les incapacités des personnes qui présentent un trouble de santé mentale. C’est tout à fait compréhensible, car ces personnes ont parfois changé beaucoup sur le plan des comportements et des attitudes et parfois ont perdu beaucoup de motivation en raison de toutes sortes de conséquences liées à leur expérience.
Mais pour garder l’espoir que votre être cher se rétablisse, on doit changer de « lunette d’observation » en pensant aux talents que votre être cher a démontrés dans le passé, qui sont peut-être moins apparents dans le présent, mais qui peuvent resurgir avec l’aide de l’entourage familial, professionnel et amical. C’est ce que l’approche axée sur les forces réalise.
Bien entendu vous ne possédez pas les outils que les professionnels détiennent pour appliquer cette approche, mais vous pouvez faire une grande différence dans la vie de votre être cher en ayant l’espoir que ses talents sauront être utilisés.
Dans ce modèle on met l’accent sur le développement d’un projet de vie significatif, comme obtenir un emploi, et l’accompagnement des proches dans ce projet peut faire toute la différence.
Vous pouvez soutenir votre être cher de plusieurs façons pour que ce projet se réalise. En effet tout le soutien que vous offrez à votre être cher contribue assurément à ce que l’accent placé sur ses forces aboutisse à un accomplissement significatif pour lui.
Par ailleurs, l'entourage possède de nombreuses forces qui peuvent être mises à profit : de grandes capacités d’adaptation, un soutien indéfectible, etc. Aussi, pour aider l'entourage à se débarrasser de sentiments de honte et de culpabilité, il importe de se demander : « qu’est-ce que nous pouvons faire maintenant pour contribuer au rétablissement de notre être cher? ».
De plus, toutes les personnes, qu’elles aient un trouble de santé mentale ou non, ont besoin d’avoir des buts ou des rêves pour réussir dans la vie. Toutes les personnes utilisent leurs forces pour combler leurs aspirations et ont le courage de faire « un pas de plus » pour atteindre un but. Pour réussir, on a également besoin d’accès à des ressources ainsi qu’à des relations significatives5. Combien de personnes mentionnent l’importance d’un réseau de relations pour obtenir un emploi par exemple? Peut-on imaginer qu’un athlète professionnel arrive aux plus hauts sommets sans le soutien de nombreuses personnes (physiothérapeute, médecin, entraineur, parents, etc.)?
C’est unanimement reconnu que seul on ne peut parvenir à ses buts et se rétablir des conséquences d’un trouble de santé mentale. Il nous faut absolument avoir accès à des liens significatifs pour y arriver.
Qu’entend-on par conséquences liées à un trouble de santé mentale?
Les conséquences liées à un trouble de santé mentale que vivent les personnes sont de plusieurs ordres : discrimination, stigmatisation et autostigmatisation (l’intériorisation des préjugés véhiculés par la société), attitudes négatives de la part de professionnels qui ne croient pas au rétablissement ou de la part d’employeurs qui voient l’engagement d’une personne vivant avec un trouble de santé mentale comme un fardeau, etc.
Mais l’espoir réside dans le fait de regarder l’autre côté de la médaille, c’est-à-dire de reconnaitre que chaque personne qui vit avec un trouble de santé mentale possède les capacités de se rétablir. Mais cela dépend de la qualité des créneaux où les personnes se retrouvent, car le fait de pouvoir s’intégrer dans un créneau habilitant est un facteur déterminant d’accomplissement, de leur qualité de vie et de leur réussite6. Donc il s’agira pour le professionnel qui adopte ce modèle d’aider votre être cher à trouver ce type de créneau en valorisant ses compétences auprès d’un employeur éventuel. Par la suite il s’agira de faire en sorte de maintenir son intégration dans ce milieu. Pour ce faire le recours à des accommodations est souvent nécessaire (souplesse dans l’horaire de travail, pairage avec un compagnon de travail ou d’études; aide aux déplacements en l’absence d’un réseau de transport collectif par une personne de l’entourage : voisin, ami, membre de la famille; négociation de services de soutien comme les centres d’aide aux études qui existent dans chacun des collèges et des universités du Québec, etc.).
À retenir
Chaque personne possède des forces et des compétences pour se rétablir. Parfois, lié au fait de vivre avec un trouble de santé mentale depuis une certaine période, on a plus de difficulté à reconnaître ces compétences. Le modèle des forces permet de redonner espoir aux personnes et à leur entourage pour faire émerger ces compétences dans un milieu qui saura les aider à les potentialiser. Le modèle des forces a démontré son efficacité pour permettre à la personne vivant avec un trouble de santé mentale d’établir un projet de vie significatif comme d’obtenir un emploi ou de retourner aux études7.
De la même manière, les proches possèdent des forces indéniables qu’ils peuvent mettre à profit auprès de leur être cher.
Sources et notes
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1 Rapp, C.A. et Goscha, R.J. (2012). The strengths model: A recovery-oriented approach to mental health services (3e éd.). Oxford University Press.
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2 Dell, N.A., Long, C. et Mancini, M.A. (2021). Models of mental health recovery: An overview of systematic reviews and qualitative meta-syntheses. Psychiatric Rehabilitation Journal, 44(3), 238 253.
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3 Rapp et Goscha (2012). op. cit., p. 76, 269-270.
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4 Dans ce modèle, on parle d’alliance de travail plutôt que d’alliance thérapeutique à l’instar de Maryanne Roebuck qui a réalisé sa thèse de doctorat sur ce modèle. Elle suggère le recours à ce terme, car la pratique en santé mentale communautaire est davantage orientée vers les tâches (et non la thérapie) et implique de donner accès aux services en aidant les personnes à rester dans la communauté.
Source : Roebuck, M., Aubry, T. et Manoni-Millar, S. (2021). A qualitative study of the working alliance in the strengths model of case management with people with severe mental illness. Community Mental Health Journal. https://doi.org/10.1007/s10597-021-00903-9
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5 Rapp, C.A. (2004). Le suivi communautaire : approche axée sur les forces. Dans R. Émard et T. Aubry (dir.). Le suivi communautaire en santé mentale. Une invitation à bâtir sa vie. Les Presses de l’Université d’Ottawa, coll. « Psychologie ».
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6 Rapp (2004), p. 44.
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7 Goscha, R.J. (2020). Strenghts model case management: Moving strengths from concept to action. Dans A.N. Mendenhall et M. Mohr Carney (dir.), Rooted in strengths: Celebrating the strengths perspective in social work (p. 165-186). Kansas University Scholar Works. http://hdl.handle.net/1808/30023. À noter que ce livre est en libre accès, vous pouvez donc y avoir accès gratuitement.
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