Aller au contenu

Qu’est-ce que le trouble d’accumulation compulsive?

  • 11 min

À travers ce texte, apprenez-en davantage sur le trouble d'accumulation compulsive : distinctions avec le syndrome de Diogène, désencombrement et plus encore.

Partagez sur

Dans ce texte nous allons traiter du trouble d’accumulation compulsive, de certaines considérations importantes au regard de la façon d’aborder les personnes qui vivent avec ce trouble et comment les familles et les membres de l’entourage peuvent aider ces personnes.

Selon le manuel diagnostique des troubles mentaux, le trouble d’accumulation compulsive (TAC) présente certaines caractéristiques dont voici les principales1 :

  • Il consiste en la difficulté de se départir d’objets en dépit de leur valeur réelle.
  • Cette difficulté est liée à un besoin perçu de conserver les objets et à de la détresse du fait de s’en départir.
  • La difficulté à se départir de ses biens entraine une accumulation de biens qui envahissent et encombrent les espaces de vie actifs et compromettent considérablement l’utilisation qui en est prévue. Si les espaces sont épurés, c’est uniquement grâce à l’intervention de tiers (par exemple des membres de la famille, des entreprises d’entretien, des représentants des autorités publiques).
  • Le TAC entraine une détresse cliniquement significative ou une détérioration du fonctionnement social et professionnel de la personne ou dans d’autres domaines importants de sa vie incluant le maintien d’un environnement sécuritaire pour elle-même et pour les autres.

Parfois, cette accumulation s’accompagne d’acquisition excessive de biens qui ne sont pas nécessaires ou pour lesquels la personne ne trouve pas d’endroit où les placer.

Il faut noter par ailleurs que l’accumulation de biens peut s’étendre à l’extérieur de la maison créant ainsi des problèmes d’esthétique pour le voisinage, mais peut aussi enfreindre certains règlements municipaux, ce qui implique une intervention des autorités. Mais cette pression externe peut aider à augmenter la motivation des personnes à changer, ce qui peut améliorer, à terme, leur sécurité personnelle et celle de leur voisinage2.

Prévalence

On trouverait un taux de TAC dans des études populationnelles d’environ 1,5 % à 6 % aux États-Unis et en Europe.

Une méta-analyse, c’est-à-dire une étude statistique de plusieurs études, parmi des pays à revenu élevé, indique une prévalence de 2,5 % qui serait identique chez les hommes et les femmes. Cependant dans des échantillons cliniques, c’est-à-dire des personnes qui reçoivent des services, le TAC serait plus élevé chez les femmes. Par ailleurs une étude populationnelle aux Pays-Bas conclut à un taux trois fois plus élevé chez les personnes âgées de plus de 65 ans comparativement aux jeunes adultes âgés entre 30 et 40 ans.

Ce trouble apparait en général assez tôt dans la vie. Il peut débuter entre 15 et 19 ans, interférer avec les activités de la vie quotidienne autour de la mi-vingtaine et causer une détérioration significative du fonctionnement de la personne autour de la mi-trentaine. Les personnes qui participent à des études cliniques ont en général autour de 50 ans (ce qui peut correspondre au moment où elles demandent de l’aide).

Ainsi la gravité du TAC augmente avec chaque décennie de vie, en particulier après 30 ans. Une fois que les symptômes du TAC apparaissent, son évolution est souvent chronique. Certaines personnes rapportent une évolution en dents de scie, c’est-à-dire des périodes où elles connaissent des moments de décroissance ou de croissance de leurs difficultés3.

Qu’est-ce que les personnes accumulent?

Toutes sortes d’objets, certains de même nature. Par exemple des personnes accumulent seulement des journaux. Mais pour d’autres, il n’y a pas de préférence et accumulent plusieurs types d’objets : journaux, livres, nourriture, vêtements, contenants vides, meubles, etc.4 Certaines personnes accumulent des animaux. Le regretté psychologue Kieron O’Connor, spécialiste de l’étude du TAC, donne l’exemple d’une jeune femme habitant un deux pièces et demie possédant 24 chats! « Ce type d’accumulation pose des problèmes supplémentaires, mais les raisons pour accumuler restent les mêmes » (O’Connor et al., 2012, p. 3).

Un appartement d’une personne vivant avec le TAC ressemble souvent à une série de piles d’objets désorganisées qui sont, la plupart du temps, visibles de tous. La personne s’habitue à cet encombrement, même si, par exemple, elle ne peut plus atteindre son lit et doit dormir sur un tapis.

Il existe aussi des accumulateurs qui achètent de manière compulsive ou dépensent des sommes colossales pour acquérir des biens. Ils sont placés devant un « non-choix », c’est-à-dire qu’ils vont expérimenter une détresse s’ils n’acquièrent pas les objets désirés.
Ce qui fait dire au psychologue O’Connor et ses collaboratrices que le motif prend une grande place dans le TAC, car ce n’est pas la valeur des objets accumulés qui a le plus d’importance, mais ce que représentent les objets pour la personne. Ce motif attribué aux objets est au cœur du problème (p. 5). 

Y a-t-il des distinctions entre syndrome de Diogène et le TAC?

Premièrement, le syndrome de Diogène a été décrit comme un trouble du comportement de personnes âgées qui conduit à des conditions de vie négligées et insalubres. Il s’agirait d’un type de démence vécue principalement par les personnes âgées. Le tableau qui suit met en relief les distinctions entre ces deux conditions.

Syndrome de Diogène TAC
Négligence parfois extrême de son hygiène corporelle et domestique Hygiène corporelle et domestique appropriée dans la mesure où l’encombrement le permet. Il ne s’agit pas de négligence, mais de difficultés liées à l’accès aux espaces.
La personne est en déni de son état qui est associé à une absence de toute honte. La personne vit avec des sentiments de honte. Elle peut vivre avec un déni partiel, mais reconnait à certains moments le caractère excessif de l’accumulation d’objets.
Un grand isolement social sans désir d’interaction Un isolement par nécessité, mais un désir d’interagir avec les autres hors du lieu de résidence.
Un refus d’aide perçue comme étant intrusive Un souhait d’être aidé, accompagné d’une crainte de devoir être forcé à se débarrasser de ses objets. Il peut y avoir un refus d’aide avant que la personne reconnaisse son problème.

Source : O’Connor et al. (2012, p. 8)

 

Le comité d’action pour le trouble d’accumulation compulsive, le CATAC, a publié un guide pour soutenir les personnes aux prises avec ce trouble, leur entourage et les équipes professionnelles. Dans les prochains paragraphes, nous vous faisons part des constats des autrices d’un chapitre dédié plus particulièrement aux proches et aux familles. Ce chapitre est organisé de sorte à répondre à des questions souvent posées par l'entourage. Nous en résumons quelques-unes5.

Est-ce aidant de vider le logement d’une personne accumulatrice?

Vider la maison ou le logement d’une personne vivant avec le TAC ou l’obliger à le faire est la dernière solution à privilégier puisque l’expérience pourrait provoquer de l’anxiété, et le risque que la personne recommence par la suite à accumuler des objets est bien réel. Cela peut provoquer une rupture des liens si aucune préparation a été faite avec la personne. Donc il est très important de se faire aider entre autres par des professionnels, car le TAC est complexe et il importe que les proches ne portent pas tout le poids des conséquences de ce trouble qui pourraient les mettre à risque d’épuisement. Il est pertinent à ce moment de connaitre des ressources d’aide. On mentionne dans cette section du chapitre que « certaines villes ont développé des lignes directrices en partenariat [avec] les services municipaux, sociosanitaires, communautaires, etc. » (p. 171). Dans ce contexte, il peut être utile de s’informer auprès de votre municipalité.

Comment soutenir la personne qui ne souhaite pas d’aide pour désencombrer?

Le TAC prend énormément de place dans la vie de la personne qui accumule des objets qui encombrent sa maison ou son logement. Donc on suggère aux proches de ne pas mettre l’accent sur ses difficultés lors d’interactions avec cette dernière. Il est plutôt conseillé d’axer sur ses forces et d’éprouver du plaisir en sa compagnie. À ce moment il importe de distinguer la personne de son trouble. Si les proches tiennent à apporter une aide concrète à la personne, ils pourraient lui demander ce qu’elle apprécierait comme aide même si ce n’est pas en lien direct avec le TAC. Ces gestes pourraient contribuer éventuellement à ce que la personne s’ouvre à recevoir de l’aide pour son trouble soit par ses proches ou par des professionnels de la santé.

Si vous vivez avec une personne accumulatrice et que vous craignez d’aborder directement la question avec elle de peur de créer des tensions entre vous, mais que vous désirez un changement, on suggère à ce moment d’aller chercher de l’aide professionnelle. Cela permettra de prendre un certain recul et d’être guidé dans les stratégies pertinentes pour composer avec votre propre situation.

Il y a toujours la possibilité de faire une requête pour obtenir une évaluation psychiatrique à la Cour dans la situation où vous percevriez que la personne est en danger grave et immédiat. Mais ce type d’intervention est vraiment une option de dernier recours en raison des impacts possibles sur la personne et sur vous-mêmes. 

La demande de garder un espace ou une pièce à soi pour les proches cohabitant avec une personne accumulatrice

Il arrive parfois qu’un enfant, un conjoint, ou une autre personne de l’entourage n’a plus aucun espace pour de l’intimité en raison de l’accumulation de biens dans toutes les pièces de la maison. Mais pour faire ce type de demande, il est important de bien se préparer pour éviter les conflits potentiels. On ne peut faire cela sans la contribution de la personne dans la démarche. Il est conseillé dans un premier temps de nommer clairement son besoin d’avoir un espace à soi. Dans ce chapitre, les autrices soulèvent des questions qui peuvent être posées à la personne accumulatrice :

  • « Quelle pièce ou partie de pièce sera désencombrée?
  • « Qu’adviendra-t-il des biens dans la pièce (seront-ils relocalisés ailleurs dans le domicile, donnés, jetés?).
  • « Comment [s’y prend-t-on] pour aménager cet espace (qui le fait? quand? comment?).
  • « Quels moyens ou règles seront mis en place pour faire en sorte de maintenir l’espace dégagé? » (Moreau et al., 2024, p. 173).

Il est possible par ailleurs qu’un soutien professionnel soit requis pour arriver à ce type de processus de changement.

O’Connor et ses collègues font également une mise en garde importante aux proches : « Les proches des gens qui [vivent avec un] TAC accommodent parfois ces derniers en participant aux rituels ou en modifiant la routine familiale. Nous ne pouvons assez insister sur le fait que ces accommodations sont généralement faites dans les meilleures intentions du monde. Cependant, sans le savoir, vous êtes peut-être en train d’aggraver un problème au lieu de le régler » (2012, p. 85). Ces auteurs donnent quelques exemples d’accommodements qu’il est préférable de ne pas faire :

  • aider à chercher des objets en solde;
  • chercher un entrepôt pour conserver de nouvelles acquisitions;
  • accepter de faire une activité avec la personne alors qu’il était prévu faire du désencombrement;
  • croire que la personne ne peut surmonter son problème et lui permettre de poursuivre l’accumulation sans aucune restriction;
  • etc.

Comment aider à vider le logement si la personne accumulatrice est contrainte de le faire?

Bien que le fait de vider un logement ou une maison contre la volonté de la personne n’est pas une solution à privilégier, car non efficace, il arrive que cette solution soit rendue obligatoire en raison de risque d’incendie ou d’insalubrité des lieux. Que faire à ce moment si on veut aider?

  • Dans un premier temps il importe d’évaluer la relation que vous avez avec cette personne, car s’il existe un historique de conflit en raison de l’accumulation, il est déconseillé d’être présent lors d’une telle opération. Mais si la relation est bonne, il faut bien entendu demander à la personne accumulatrice ce qu’elle souhaite comme aide.
  • On conseille, pour les proches, que leur contribution soit définie avant que le logement soit vidé.
  • Cette contribution pourrait consister à défendre les droits de la personne accumulatrice durant l’opération, qui parfois se déroule très rapidement, pour permettre, par exemple, qu’elle puisse conserver des souvenirs de famille.
  • Les proches pourraient aussi l’héberger après l’opération.
  • Il est possible par ailleurs que la personne accumulatrice blâme les proches qui l’auraient accompagnée dans cette opération de la perte de ses biens. Dans ce contexte, il importe de lui rappeler que vous la soutenez pour sa sécurité et son bien-être.

Vous pouvez, en tant que proches, recevoir du soutien personnel en communiquant avec un organisme membre de CAP santé mentale. 

Aide-mémoire des pratiques à adopter et à éviter avec une personne accumulatrice

Pratiques à privilégier Pratiques à éviter
Distinguer la personne de son trouble. Se rappeler ce qui fait en sorte que vous avez un lien avec elle. Parler avec la personne principalement du ménage à faire et de l’état de son milieu de vie.
Respecter son rythme même s’il vous parait être lent. Imposer un désencombrement trop rapide (par exemple tout faire en une fin de semaine).
Impliquer la personne dans toutes les démarches et les décisions. Vider la maison ou l’appartement de la personne à son insu.
Demander à la personne ce qu’elle attend de vous si elle veut du soutien. Initier des démarches ou des actions sans consulter la personne même si c’est pour l’aider ou lui faire plaisir.
Laisser la personne travailler sur son trouble et nommer vos propres limites, le rôle que vous souhaitez jouer. Prendre en charge le TAC et ses conséquences à la place de la personne.
Cibler et nommer vos besoins, vos limites et zones de pouvoir. Verbaliser des critiques ou des jugements à l’égard de la personne.
Aller chercher des informations et du soutien auprès d’un organisme de votre secteur (CLSC, organisme dédié aux proches accompagnateurs, etc.) Stigmatiser ou juger la personne en présence de professionnels.

Source : Moreau et al. (2024, p. 181)

Si vous souhaitez obtenir un guide prodiguant des conseils pas à pas pour la personne aux prises avec un TAC, nous vous conseillons le livre Entre monts et merveilles écrit par O’Connor, St-Pierre-Delorme et Koszegi référencé à la note 4. Elle peut se procurer ce guide en version numérique aux Éditions Multimondes en cliquant sur le bouton ci-dessous.

Il faut noter par ailleurs que ce guide contient un appendice aux pages 83 à 90 dédié aux proches où il est offert un exemple de contrat que vous pourriez signer avec cette personne. Ce type d’arrangement vous permettrait de planifier les étapes à suivre. L’exemple de contrat que ces auteurs suggèrent contient :

  • la description du problème;
  • la solution proposée à court et à long terme;
  • la distribution des tâches entre les membres de l’entourage;
  • la durée du contrat;
  • la récompense prévue;
  • la façon dont sera évalué le succès;
  • en dernier lieu, on appose sa signature.

Sources et notes

Avez-vous aimé ce contenu ?

Des profils similaires au vôtre ont aussi aimé